Ma Semaine Twitter 4 de 2025
Les milliards de dollars pleuvent par centaines sur la gestion d'actifs aux Etats-Unis

Les récits mènent le monde, depuis la plus haute antiquité. Les textes fondateurs des religions monothéistes en sont pleins.
Dans un registre plus profane, les marchés financiers suscitent également pléthore de récits, qui essaient d’en justifier les évolutions à défaut de les influencer.
Jusqu’à récemment, le récit dominant était celui de la révolution1 de l’intelligence artificielle, qui justifiait a posteriori les valorisations très élevées de Nvidia et des hyperscalers.
Combinée à l’hubris d’un pays qui vient d’élire pour la deuxième fois à la tête de son exécutif un maître du récit mensonger, la petite musique de l’American Exceptionalism (dont j’avais parlé ici) permet d’expliquer et de justifier les valorisations très élevées de quelques grandes capitalisations états-uniennes et la part écrasante des Etats-Unis dans les indices actions mondiaux.
Et voilà qu’un grain de sable vient s’immiscer dans la mécanique bien réglée du récit dominant : il s’appelle DeepSeek et c’est une IA chinoise en open source très performante dont l’entraînement a nécessité un investissement ridiculement bas par rapport à ceux des acteurs états-uniens : on parle de 6 millions de dollars.
David va-t-il de nouveau triompher de Goliath ?
Est-il préférable de dépendre d’une IA développée dans un pays gigantesque qui espionne le monde entier sous la coupe totalitaire d’un parti unique2, ou d’IA développées dans un pays qui s’éloigne de plus en plus des canons de son histoire démocratique et qui espionne le monde entier aussi ?
Je n’ai pas la réponse. Quant à l’IA française, Mistral, ses actionnaires externes sont presque tous états-uniens.
On verra rapidement si DeepSeek est la paille qui a brisé l’échine du chameau3, une expression dont on trouve les premières occurrences dans un débat théologique sur la causalité au 17e siècle (source). Ou la goutte d’eau qui fait déborder le vase, comme on le dit en français4.
Sur l’influence des récits sur l’économie, Robert Shiller avait publié Narrative Economics.
J'ai lancé en novembre 2023 un Substack à destination des investisseurs privés, L'Odyssée des Placements. Mon objectif ? Contribuer à améliorer la littératie financière des abonné.e.s.
Le lancement est parrainé par Indexa Capital, qui commercialise en France le contrat d'assurance vie en gestion sous mandat le moins cher (j'en avais parlé ici) : Indexa Vie Spirica. Vous pourrez bénéficier sous conditions d'une remise pendant un an sur les frais d'assurance et de mandat en suivant ce lien.
Ô joie ! En gambadant sur Bluesky (où j’ai un compte sur lequel je poste de plus en plus), j’ai rencontré une vieille connaissance : Etienne Dorsay.
Dans le même registre, et toujours sur Bluesky, Marie Bernard.
En haut, c’est Bruno Ganz (1941-2019) dans Les ailes du désir5 du grand Wim Wenders.
Du même, l’exceptionnel Paris, Texas, dans lequel jouait Harry Dean Stanton (1926-2017). Il jouait aussi dans Twin Peaks - Fire walk with me de David Lynch — qui vient de mourir — que j’ai vu pour la première fois la semaine dernière.
L’armée soviétique est entré dans le camp d’Auschwitz (Oświęcim en polonais) déserté par les gardiens il y a 80 ans.
Je lis obsessionnellement sur la Shoah depuis plus de 30 ans et j’ai été particulièrement marqué par un livre et un film que je ne saurais trop recommander.
Le livre, c’est celui de Raul Hilberg (1926-2007), La destruction des Juifs d’Europe.
Le film, c’est (évidemment) celui de Claude Lanzmann, Shoah.
Deux romanciers ont écrit sur la persécution des Juifs pendant la deuxième guerre mondiale : Aharon Appelfeld (j’en ai parlé la semaine dernière) et, dans un registre très différent, le grand Edgar Hilsenrath (1926-2018), truculent et hénaurme romancier allemand.
Hilsenrath a survécu dans le ghetto de Mogilev-Podolsk, a ensuite émigré en Palestine, puis a rejoint sa famille à Lyon, puis est parti aux Etats-Unis avant de rentrer en Allemagne où il a fini sa longue vie.
De lui, lisez Nuit, Le nazi et le barbier et Fuck America6.
Vous trouvez ce billet trop long ? J’ai fait la synthèse de ce qui suit dans une vidéo de moins de 3 minutes.
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Bienvenue dans ma semaine Twitter 4 de 2025.
Pendant ce temps aux Etats-Unis (1/2)
En 2024, les encours gérés collectivement ont fortement progressé, portés par la collecte et la performance des marchés actions.
Selon les données de Morningstar, la collecte des fonds de long terme a été de 721 milliards de $, soit 2,3% des encours à fin 2023. Ce taux de croissance annuelle organique est le 3ème le plus élevé depuis 10 ans après 2021 et 2017.
La gestion indicielle a poursuivi sa marche en avant et augmenté sa part dans les encours totaux, qui était de 53% à fin 2024.
La collecte des fonds indiciels a été de 886 milliards de $. Les fonds gérés activement ont décollecté à hauteur de 165 milliards de $.
La part de marché de la gestion active dans les 3 principales catégories en encours (actions Etats-Unis, actions hors Etats-Unis et Obligations taxables) est en baisse continue.
Pour les actions hors Etats-Unis, les encours indiciels (96 milliards de $ de collecte en 2024) devraient prochainement dépasser les encours actifs (79 milliards de $ de décollecte en 2024).
L’enveloppe mutual fund (le fonds traditionnel non négociable en bourse) continue d’être délaissée au profit de celle de l’ETF, qui dispose d’un avantage en matière de fiscalité des plus-values qui n’existe pas en Europe.
Les ETF ont enregistré une collecte record de 1100 milliards de $ et représentaient un tiers des encours à fin 2024, contre 5% à fin 2004 et 14% à fin 2014. Leurs encours totaux dépassent 11 000 milliards de $ à fin 2024. Plus de détails dans la vignette ci-dessous.
Si les fonds actions Etats-Unis ont enregistré une collecte de 167 milliards de $, c’est dû à la seule catégorie large-cap blend et aux fonds indiciels répliquant l’indice phare de cette catégorie, le S&P 500. La plupart des autres catégories ont décollecté.
Notez la décollecte de la catégorie Large Growth, celle des Magnificent Seven.
La famille des stratégies alternatives a été à la fête, grâce au lancement de plusieurs ETF bitcoin en janvier 2024.
La palme de la collecte 2024 revient pour la 3ème année consécutive à iShares, avec 287 milliards de $, devant Vanguard (222 milliards), Fidelity (104 milliards) et SSGA (80 milliards).
Les gérants d’actifs européens étant à peine présents aux Etats-Unis, le dynamisme du marché dominant en matière de collecte permet aux gérants d’actifs étatsuniens de devenir encore plus puissants.
J’attends les chiffres de la collecte 2024 en Europe pour montrer le gouffre qui nous sépare des Etats-Unis. Avec le risque de marginalisation de la finance européenne que François Vidal a fort bien identifié dans un éditorial paru dans Les Echos.
En France, on a le livret A, le LDDE et le fonds euros, qui sont, comme l’ont été le Minitel et le Concorde en leur temps, de grands succès à l’export.
Heureusement, on a aussi Amundi.
Pendant ce temps aux Etats-Unis (2/2)
Continuons avec les précieuses données de Morningstar, cette fois-ci sur le seul marché des ETF, qui sont donc peu à peu en train de détrôner les mutual funds aux Etats-Unis.
Cette dernière a longtemps eu le monopole de la gestion active, mais ce n’est plus le cas. Les gérants actifs, ne sachant plus à quel saint se vouer pour endiguer la décollecte, pensent avoir trouver une planche de salut avec l’enveloppe ETF.
Les investisseurs aux Etats-Unis auront certes un avantage fiscal via l’ETF, mais l’enveloppe de détention ne changera rien à la réalité : collectivement, la gestion active échoue à battre les fonds indiciels à bas coûts. L’enveloppe n’y changera rien.
Quels sont les 10 ETF ayant le plus collecté en 2024 ? Des ETF répliquant l’indice S&P 500 (on en trouve 5, dont un répliquant la version équipondérée de l’indice), un ETF répliquant l’indice NASDAQ 100, un autre répliquant un indice CSRP de (presque) toutes les actions cotées aux Etats-Unis (VTI), 2 ETF obligataires et l’ETF bitcoin d’iShares lancé en janvier 2024.
Et les 10 ayant le plus décollecté ?
En tête de cet anti-palmarès, le produit Bitcoin de Grayscale, qui était en situation de monopole jusqu’à ce que la SEC soit contrainte par une décision de justice d’autoriser le lancement d’ETF bitcoin. Le produit Grayscale n’était pas un ETF, facturait des frais très supérieurs à ceux des nouveaux ETF, décollecta massivement avant de se convertir en ETF courant 2024.
On trouve aussi en 10ème position Ark Innovation ETF (ARKK), l’ETF géré activement d’ARK Invest qui eut son heure de gloire, fut acheté massivement au pic de son heure de gloire, connut ensuite un très violent retour à la moyenne, ce qui conduisit la collectivité des investisseurs à y laisser des plumes, conformément au scénario immuable de l’achat d’une performance passée exceptionnelle avant l’inévitable retournement.
Les ETF gérés activement ont représenté 26% de la collecte totale des ETF, bien plus que leur part des encours à fin 2023, laquelle progresse à fin 2024 pour approcher 9%.
En matière de collecte, Vanguard l’a emporté d’une courte tête sur iShares. Le duo écrase la concurrence.
A titre tout à fait anecdotique, VOO, l’ETF de Vanguard répliquant l’indice S&P 500, a tellement collecté depuis le début de 2025 qu’il devrait ravir la couronne de l’ETF le plus gros au monde à SPY, le produit phare de SSGA, lancé en 1993, qui bénéficia longtemps de la prime au premier arrivant.
Les frais de gestion de VOO sont de 0.03% par an, ceux de SPY de 0,095%. SSGA a lancé en 2005 un autre ETF répliquant le S&P 500, SPLG, dont les frais sont actuellement de 0,02% par an. SPLG a collecté 20 milliards de $ en 2024, un peu moins que SPY (23 milliards de $). Les encours de SPY sont plus de 10 fois supérieurs à ceux de SPLG, qui a des frais près de 5 fois plus bas.
Il faut du temps pour que les investisseurs se bougent.
Ça vous inspire quoi qu’il soit possible de s’exposer à un indice comme le S&P 500 pour 0,02% de frais annuels ?
Diversification
Quand on a un portefeuille bien diversifié, il y a presque toujours une classe d’actifs ou une sous classe d’actifs qui déçoit. C’est normal. C’est le principe même de la diversification.
Parfois — très rarement —, presque rien ne marche : en 2022, les marchés actions et les marchés obligataires ont fortement baissé et la diversification n’a pas amorti le choc.
La plupart du temps, la diversification marche à peu près.
Vanguard est une société de gestion détenue par les fonds qu’elle gère, donc indirectement par les personnes investissant dans ces fonds. Une espèce de mutuelle, ce qui en fait une exception dans le monde de la gestion d’actifs : elle ne sert qu’un maître (les porteurs de parts des fonds) plutôt que deux (les actionnaires et les porteurs de parts).
Vanguard est une société qui propose une gamme assez courte de produits par rapport à celles de ses concurrents (BlackRock par exemple) et qui s’est toujours refusée à céder aux modes en lançant des produits de niche, souvent éphémères, ni de produits exposés à des actifs jugés spéculatifs et/ou difficiles à valoriser.
Pas de produits sur des secteurs étroits, pas de produits bitcoin non plus.
Vanguard est aussi une société de gestion qui produit des contenus éducatifs de qualité, s’appuyant sur des infographies souvent lumineuses.
Comme celle qui éclaire un article sur les vertus de la diversification.
Alors que les marchés actions Etats-Unis surperforment massivement ceux du reste du monde depuis 2009, de nombreux investisseurs états-uniens considèrent qu’il n’est pas (ou plus) nécessaire de diversifier géographiquement la poche actions de leur portefeuille et qu’il convient de tout exposer aux actions Etats-Unis (même le fondateur de Vanguard, Jack Bogle, mort en 2019, en faisait partie, mais pour des raisons plus fondamentales).
Roger Aliaga-Díaz, le responsable de la construction de portefeuille qui est aussi chef économiste de Vanguard pour les Etats-Unis, illustre les dérives d’un tel point de vue en montrant qu’il existe toujours un segment du marché actions qui surperforme.
Tenez, sur 10 ans à fin 2024, les actions Etats-Unis ont atomisé les actions du reste du monde. Ne nous exposons qu’aux actions Etats-Unis !
Ah oui, mais sur la même période, les actions Etats-Unis croissance ont pulvérisé les actions Etats-Unis Value. Ne nous exposons qu’aux actions Etats-Unis croissance !
Mais les actions sectorielle Techno Etats-Unis ont largement battu les actions Etats-Unis croissance. Ne nous exposons qu’aux actions Etats-Unis de la tech !
Et n’ont rien pu faire contre les Magnificent Seven. Ne nous exposons qu’aux Magnificent Seven !
Elles-mêmes humiliées par NVidia. Ne nous exposons qu’à Nvidia !
Vous n’aviez pas venu venir Nvidia début 2015 ? Moi non plus.
En revanche, faire le pari de la diversification maximum en s’exposant à un véhicule répliquant un indice actions globalement diversifié ne demandait aucun génie particulier.
Ça tombe bien, je n’ai aucune espèce de génie particulier en matière de prédiction. Comme la plupart des gens.
Sous le capot des indices
J’écris fréquemment ici que BlackRock et Vanguard sont les nouveaux maîtres du monde. Une variante, c’est d’écrire que les géants des actifs privés sont les nouveaux maîtres du monde. Une troisième variante, c’est d’écrire que les fournisseurs d’indices sont les nouveaux maîtres du monde.
Parce que la gestion indicielle est en train de dévorer la gestion active.
L’indice est l’un des ingrédients essentiels de la cuisine indicielle. Les trois membres de l’oligopole de la fourniture d’indices sont FTSE Russell, MSCI et S&P DJ Indices.
Aux Etats-Unis, S&P DJ règne en maître grâce à l’omnipotence du S&P 500. Mais pour les indices monde, les acteurs dominants sont MSCI et FTSE Russell. Qui n’ont pas la même approche, car il faut bien se différencier.
Dominique Riedl du site spécialisé JustETF s’est intéressé aux principales différences méthodologiques.
Il rappelle tout d’abord que MSCI domine largement son rival en matière d’adoption par les émetteurs d’ETF en Europe : à juin 2023, sur les 23 ETF répliquant un indice actions monde pays développés, 20 utilisaient le MSCI World, 3 le FTSE Developed World. Et sur les 23 ETF répliquant un indice actions pays émergents, 20 utilisaient le MSCI Emerging Markets et 3 le FTSE Emerging Markets.
Ce n’est que quand sur les niveaux de segmentation plus fine (sous-région et pays) que d’autres acteurs émergent (STOXX, S&P DJ Indices).
Les principales différences méthodologiques entre MSCI et FTSE concernent la catégorisation des pays : développés ou émergents.
La Corée du Sud est considérée comme un pays développé par FTSE alors qu’elle est toujours dans la catégorie des émergents chez MSCI. Même traitement pour la Pologne, développée depuis 2018 selon FTSE, toujours émergente selon MSCI.
Comme la Corée du Sud est un marché important (il représentait 9% de la capitalisation du MSCI EM à fin 2024), sa présence ou son absence impactent les poids des autres pays dans les indices développés et émergents.
Autre différence, celle sur la façon de définir les petites capitalisations (dont je rappelle qu’elles ne font pas partie des indices actions dominants, le MSCI World et le FTSE Developed World, qui n’incluent que les grandes et les moyennes capitalisations).
Chez MSCI, l’univers des grandes et des moyennes capitalisations représentent 85% de la capitalisation totale : les 15% restants sont donc considérés comme des petites capitalisations.
Chez FTSE Russell, ces ratios sont respectivement de 90% et 10%.
Il y a donc plus de valeurs dans les indices grandes + moyennes capitalisations de FTSE Russell que dans ceux de MSCI.
Les valeurs présentes dans les indices FTSE et absentes chez MSCI sont petites, pèsent fort peu en capitalisation et impactent la performance à la marge.
Sur 5 ans, les performances de 2 ETF répliquant respectivement le MSCI World et le FTSE World ont été à peu près identiques : les poids de la Pologne et de la Corée du Sud ne sont pas suffisants pour avoir un impact.
En revanche, sur la même période, les performances de 2 ETF répliquant respectivement le MSCI Emerging Markets et le FTSE Emerging Markets ont été différentes, notamment parce que le poids de la Corée du Sud est important dans l’indice MSCI.
Moralité : avant de choisir un ETF, soulevez les capots des indices.
Des nouvelles du #H2Ogate
Avertissement : j'ai assisté entre novembre 2022 et avril 2023 l'Association Collectif Porteurs H2O dans le cadre d'une mission rémunérée (détails ici). A vous de déterminer si elle influe sur ma couverture de l'affaire H2O AM sur ce blog.
Ca y est, l’offre de rachat inégalitaire des fonds cantonnés faite par H2O AM a expiré. On saura bientôt quelle part des maigres encours aura accepté cette offre. Il faut dire que la plupart des assureurs ont déployé d’admirables et honteux efforts pour empêcher les assurés de la refuser.
A ma connaissance, seul Generali (j’ai eu copie de la communication de cette assureur dont la maison-mère est italienne) a fait le choix de défendre les intérêts des assurés en considérant que l’absence de réponse valait refus de l’offre.
De plus, Generali permettait de laisser les fonds cantonnés dans le contrat, là où tous les autres assureurs ne voulaient surtout pas s’embarrasser plus longtemps de ces produits nauséabonds et qui ne leur rapportaient rien (du moins je l’espère) et imposaient aux assurés de leur trouver une destination, sachant que toutes les institutions financières ne les acceptaient pas dans un compte-titres ordinaire.
Si l’on en croit le Collectif Porteurs H2O, Apicil permettait également aux assurés refusant l’offre de laisser les parts de fonds cantonnés dans leur contrat d’assurance vie.
Décidément, la juridiction financière bananière des commissions de mouvement a toujours d’exécrables habitudes. J’ai décrit ce naufrage dans une chronique pour Gestion de Fortune : “Trahisons dans le H2Ogate”.
Mais au fait, H2O AM, combien de divisions ? Selon mes calculs, un peu plus de 3 milliards d’euros à fin 2024. La baisse des encours se poursuit : à fin décembre 2023, les encours des mêmes fonds étaient d’environ 4,2 milliards d’euros.
Pour que l’hémorragie cesse, il va falloir que des assureurs ouvrent de nouveau les vannes des souscriptions dans les contrats d’assurance vie référençant des fonds H2O AM parmi les unités de compte.
Je vais suivre tout cela de près. N’hésitez pas à me donner un coup de main.
Quant aux voies de l’AMF, elles sont toujours aussi impénétrables.
Le régulateur a en effet eu la riche idée de cesser de mettre à jour le site fournissant les données sur les OPCVM sans avoir mis en ligne de nouvelle version.
Les dernières données disponibles sont en date du 21 mars 2024. Nous sommes le 27 janvier 2025.
Allô Houston, y a-t-il quelqu’un aux commandes ?
Je ne peux donc plus suivre la décollecte des fonds H2O AM. Pour les données de performance, je me fournis ailleurs que sur le site de l’AMF et peux donc les mettre à jour, mais elles n’ont aucune importance.
Depuis la scission des 7 fonds sinistrés de H2O AM, il est très difficile de reconstituer la performance des « vieux » fonds d’avant la scission.
Je me livre à l’exercice en calculant une valeur liquidative reconstituée, égale à la somme de la valeur liquidative des « nouveaux » fonds liquides (FCP à la fin du nom) et de la valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets.
Cette valeur liquidative reconstituée est une fiction, car aucune transaction n’est possible sur les side-pockets.
Mais elle permet de voir où en sont les porteurs de parts. Notamment par rapport au plus-haut historique atteint par les « vieux » fonds avant qu’ils ne heurtent des icebergs et fassent naufrage en février et mars 2020.
Autre limite de l’exercice : rien ne dit que les porteurs de parts récupèreront l’équivalent de la dernière valeur liquidative estimative des side-pockets. On ne le saura que quand toutes les participations illiquides auront été revendues au seul acheteur, Tennor, la holding de Lars Windhorst.
Ou plus exactement au fur et à mesure du remboursement par Tennor de la « first super senior secured note » (FSSSN) émise par Tennor, portant intérêt au taux annuel de 4,5% et prévoyant la possibilité de remboursements intermédiaires. Je rappelle (j’en avais parlé ici) que le remboursement total était initialement prévu début 2022. Les créanciers de Tennor, pour éviter la mise en liquidation de la société imposée par un tribunal néerlandais, ont consenti un délai supplémentaire de 6 mois (soit un remboursement début juillet 2022).
Je rappelle aussi que, comme de bien entendu, il n'y a eu aucun remboursement entre juillet et décembre 2022 de la part de Tennor.
Début janvier 2023, H2O AM a laissé entendre dans un communiqué sybillin que Tennor avait procédé fin 2022 à un premier remboursement partiel susceptible de permettre de diminuer le nominal de la FSSSN de 250 millions d'euros.
En fait de 250 millions, ce sont 143,752 millions qui ont été remboursés d'après mes calculs.
Par ailleurs, un porte-parole de Tennor avait déclaré début janvier au quotidien régional allemand Westfallen-Blatt que la holding de Lars Windhorst avait procédé en 2022 à plusieurs remboursements partiels de la FSSSN, dont un fin 2022 pour solde de tout compte.
Après avoir cessé pendant des mois de mettre à jour la valeur estimative mensuelle de side-pockets, bloquée à fin février 2023, H2O AM a dû se résoudre le 12 septembre 2023 à la baisser pour les 7 fonds.
Puis de nouveau en octobre pour les valeurs estimatives à fin septembre. Puis de nouveau en décembre pour les valeurs estimatives à fin novembre.
En janvier 2024, coup de théâtre : la valorisation estimative à fin décembre 2023 est en hausse.
H2O AM, généralement mutique, publiait le 26 janvier 2024 un communiqué de presse pour annoncer « un nouveau remboursement dans les prochaines semaines ».
Remboursement « de l’ordre de 70 millions d’euros ».
Puis nouveau coup de bambou sur les valorisations à fin janvier 2024, en baisse de 109 millions d'euros (voir ci-dessus), avant même que les 70 millions d'euros annoncés aient été remboursés aux porteurs de parts.
Les 20, 21 et 22 mars 2024 arrivait le remboursement annoncé : H2O AM avait retenu la leçon de sa désastreuse communication sur le premier remboursement et avait choisi d'annoncer un montant inférieur au montant réel, qui est de 85 millions d'euros (voir tableau ci-dessous).
Le 7 août 2024, après la publication du rapport accablant de la FCA (le régulateur britannique) détaillant les nombreux mensonges et manquements de H2O AM, la société de gestion indiquait qu’elle avait “sécurisé” 250 millions d’euros pour rembourser les porteurs de parts.
Sans respecter l’égalité de ces derniers, puisqu’il était indiqué que les porteurs qui “[renonceraient] à toute action contre le Groupe H2O AM et les tierces parties en relation à ces investissements et à leur gestion” bénéficieraient “d’un paiement accéléré et majoré “.
Les autres devront attendre jusqu’à six ans pour être remboursés partiellement.
Entre la valorisation initiale d’octobre 2020 et celle de fin décembre 2024, compte tenu des remboursements de janvier 2023 et mars 2024, la moins-value latente sur les 7 side-pockets est de près de 1 milliard 319 millions d’euros d’après mes calculs.
La valeur résiduelle des side-pockets à fin décembre 2024 est estimée à 93,8 millions d'euros.
Si H2O AM rembourse 250 millions d’euros et s'il n'y a pas d’autre remboursement, la perte totale pour les porteurs de parts de side-pockets pourrait donc être de 1 milliard 163 millions d'euros.
Le taux de recouvrement par rapport à la valorisation initiale des side-pockets serait de 29% (remboursement total de 479 124 121 €/1 642 330 150 €).
C'est le casse du siècle.
Pour les fonds liquides, voilà où on en est au 23 janvier 2025 (date de la VL des fonds liquides dont le nom se termine par « FCP », la dernière valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets étant en date du 31 décembre 2024).
J'ai ajouté à la VL reconstituée le montant des distributions de janvier 2023 et de mars 2024.
En matière de décollecte, voilà où on en était au 21 mars 2024 (merci et bravo à l’AMF, voir ci-dessus).
En matière de performance, voilà où on en est au 23 janvier 2025.
Les produits dont il a été question dans ma semaine Twitter 4 peuvent être achetés en priorité chez votre libraire (pour les livres).
Sinon, si vous n’avez vraiment pas accès à un libraire, ou pour les livres en anglais, parfois plus difficiles à se procurer en librairie en France, vous pouvez cliquer sur les liens disséminés dans ce billet (informations sur le programme d’affiliation Amazon ici).
Vous pouvez suivre le compte Twitter d’Alpha Beta Blog ici et mon compte en anglais là.
Je ne suis pas habilité à donner des conseils sur les produits de placement : ne me sollicitez pas pour cela car je ne vous répondrai pas.
Si vous avez des questions, consultez un conseiller en investissement financier. Un conseiller en investissement financier, c’est quelqu’un que vous payez pour qu’il.elle vous donne des conseils. Dans le jargon de MIF 2, seul le conseiller exclusivement payé par ses clients peut se déclarer indépendant.
Quelqu’un qui est payé par les fournisseurs de produits pour vous vendre lesdits produits, c’est un vendeur, pas un conseiller.
Comment trouver un conseiller en investissements financiers (CIF) indépendant au sens de MIF 2 ? C'est à peu près mission impossible : le site de l'ORIAS, qui est l'organisme auprès duquel s'enregistrent les CIF, ne permet pas de rechercher selon les critères "indépendant" ou "non-indépendant". Pas plus que ne le permettent les sites des 4 associations de CIF agréées par l'AMF.
C'est affligeant et scandaleux.
La charte éditoriale d’Alpha Beta Blog est consultable ici.
C’était ma semaine Twitter 4 de 2025. Sayōnara. さようなら.
Une de plus.
J’ai demandé à DeepSeek combien de morts avait fait la Révolution Culturelle en Chine. J’ai eu une réponse sérieuse. J’ai ensuite demandé quand la Chine avait envahi le Tibet. La réponse, tout aussi sérieuse, s’est affichée pendant une trentaine de secondes avant de disparaître, remplacée par la mention suivante : "Sorry, that's beyond my current scope. Let's talk about something else." Du Xinjiang et des Ouïghours par exemple ?
The straw that broke the camel's back.
Comme tout ce qui est écrit dans ce blog, il ne s’agit en aucune façon d’une recommandation d’investissement, ni d’une prédiction d’ailleurs.
Der Himmel über Berlin en version originale.
Rien à voir avec le début de mandat apocalyptique de l’agité de la Maison Blanche.
Sur la question: "Est-il préférable de dépendre d’une IA développée dans un pays gigantesque qui espionne le monde entier sous la coupe totalitaire d’un parti unique, ou d’IA développées dans un pays qui s’éloigne de plus en plus des canons de son histoire démocratique et qui espionne le monde entier aussi ?", la réponse de Giuliano da Empoli est intéressante: "le Parti communiste chinois et Google partagent la même idée de l’homme comme un être dont le comportement et les aspirations peuvent être entièrement mesurés et gouvernés au moyen d’algorithmes de plus en plus sophistiqués."
Cité ici:
https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2023/08/10/a-paris-les-seminaires-du-grand-continent-au-chevet-d-une-europe-troublee_6184992_3451060.html
Philippe, vous ecrivez "seul Generali (...) a fait le choix de défendre les intérêts des assurés". faut il voir un lien quelconque avec le fait que Generali ait annoncé un projet d'entité de gestion communne entre Generali et Natixis IM (ex-maison mere et toujours à ma connaissance actionnaire minoritaire de H2O et dans la ligne de mire du collectif porteurs H2O) ?