Ma Semaine Twitter 23 de 2024
De l'importance de l'habit pour inspirer confiance quand on veut plumer des investisseurs
J’aime beaucoup Cory Doctorow.
Doctorow est un auteur étatsunien de science-fiction et un critique très acéré du capitalisme en général et de Big Tech en particulier.
Son compte Twitter est ici et son blog là.
Il a créé le concept d’enshittification.
Voici comment les plateformes meurent : dans un premier temps, elles sont bonnes pour leurs utilisateurs ; puis elles abusent de leurs utilisateurs au profit de leurs clients ; enfin, elles abusent de leurs clients pour s’approprier toute la valeur. Enfin, elles meurent. J’appelle cela “merdification”1, et c’est apparemment une conséquence inévitable de la combinaison de deux choses : la facilité de changer la façon dont une plateforme alloue la valeur, combinée avec la nature d’un “marché à deux faces” dans lequel la plateforme s’interpose entre les acheteurs et les vendeurs, fait de l’un l’otage de l’autre, ponctionnant une part toujours croissante de la valeur qui s’échange entre eux.
J’ai récemment expérimenté cette “enshittification” avec deux acteurs dont l’un a un comportement similaire à celui que décrit Doctorow : un notaire et un prestataire de signature électronique étatsunien.
Ma femme et moi étions chez ledit notaire pour signer un acte avec deux de nos filles, la troisième étant à distance dans la ville où elle réside.
Ma fille lointaine suit les instructions qui lui avaient été envoyées par le notaire pour qu’elle puisse être identifiée via le prestataire de signature électronique du notaire.
Après trois tentatives infructueuses (tout a marché sauf la validation finale), le notaire dit à ma fille lointaine qu’elle reprendra ultérieurement rendez-vous avec elle pour finaliser la signature de l’acte.
Ce qui fut fait quelques jours plus tard.
L’enshittification arrive : le notaire me demande de régler 4 signatures électroniques. Je réponds que je suis près à payer toutes les signatures électroniques qui ont abouti, c’est-à-dire une.
La machine à enshittifier se met en marche, avec un dialogue de sourd entre deux entités de bonne foi, et un absent, la plateforme de signature électronique, dont j’utilise les services sans avoir contracté avec elle puisque c’est le prestataire du notaire.
Mon interlocuteur chez le notaire :
Malheureusement les difficultés de connexion avec votre fille ont rendu nécessaire la répétition des envois par procédés <nom du fournisseur>.
Allons bon. Si je comprends bien, une tentative échouée de signature électronique est facturée par <nom du fournisseur> ?
[I]l apparaît que l’insuccès des premières tentatives n’est pas imputable à <nom du fournisseur> ou à l’Etude ou mais aux mauvaises conditions de connexion dans lesquelles se trouvait votre fille.
Magnifique, tout a marché sauf la signature elle-même qui n’a pas été complétée, ça ne peut être imputable à l’infaillible <nom du fournisseur> qui facture 36 € par signature, qu’elle ait réussi (une fois) ou échoué (trois fois).
Mais je dois être rassuré, ce n’est pas le notaire qui facture des prestations non délivrées, mais son prestataire de signature électronique :
Je vous précise qu’il s’agit de frais facturés par <nom du fournisseur> et non d’honoraires revenant à l’Etude.
Ouf. L’honneur du notariat français est sauf.
Facturer une prestation qui n’a pas été fournie, c’est un beau modèle d’affaires, non ?
J’imagine l’embarras de mon interlocuteur chez le notaire, qui n’est vraisemblablement pas spécialiste des solutions de signature électronique et qui ne pouvait m’expliquer pourquoi je devais payer des prestations n’ayant pas été réalisées.
Ça s’est bien terminé pour moi :
A titre exceptionnel, c’est l’Etude qui supportera le débit du compte.
Je me demande combien de milliers de signatures électroniques non abouties sont ainsi facturées tous les ans dans le monde entier par ce prestataire coté en bourse.
De Cory Doctorow, on peut lire en français Le grand abandon. Et en anglais Red Team Blues.
Ne manquez pas non plus le billet de blog dans lequel Doctorow explique comment Big Tech aide les entreprises à fixer algorithmiquement le prix d'un bien ou d'un service littéralement à la tête du client (“surveillance pricing”).
Thème également développé par David Dayen dans un article terrifiant de The American Prospect.
J'ai lancé en novembre 2023 un Substack à destination des investisseurs privés, L'Odyssée des Placements. Mon objectif ? Contribuer à améliorer la littératie financière des abonné.e.s.
Le lancement est parrainé par Indexa Capital, qui commercialise en France le contrat d'assurance vie en gestion sous mandat le moins cher (j'en avais parlé ici) : Indexa Vie Spirica. Vous pourrez bénéficier sous conditions d'une remise pendant un an sur les frais d'assurance et de mandat en suivant ce lien.
J’avais parlé ici de la remarquable série de Jean-Xavier de Lestrade, Sambre, adaptée du livre de la journaliste Alice Géraud sur un violeur en série qui a pu échapper à la police et à la justice pendant 30 ans dans le nord de la France, jusqu'en 2018.
J’ai lu d’une traite le week-end dernier ce livre, Sambre - Radioscopie d’un fait divers. C’est remarquable et terriblement dérangeant.
Terriblement dérangeant car on y assiste à l’effarant naufrage d’institutions censées protéger les citoyens : la police et la gendarmerie.
Terriblement dérangeant car Alice Géraud documente la violence institutionnelle à l’encontre des femmes qui déposent plainte pour violences sexuelles : remise en cause quasi systématique de leur parole, propos déplacés, expertises psychiatriques parfois traumatisantes.
Il paraît que l’accueil des victimes de violences sexuelles s’est amélioré en France. J’espère que c’est vrai.
Le dernier chapitre m’a mis les larmes aux yeux. Lisez ce livre, il est indispensable et bouleversant.
La prochaine fois qu'un gérant actif annonce le grand retour de la gestion active, montrez-lui ce tweet.
Je suis presque au bout des plantations dans le potager du Vexin : j'ai replanté 6 nouveaux pieds de tomate (jen suis à 58, il m'en reste une douzaine à Paris, encore un peu chétifs pour être confrontés à la vraie vie), 12 pieds de salade, un pied de courge pâtisson et un de potiron rouge d'Etampes.
Encore quelques fraises, mais les merles, qui sont des créatures sympathiques et fort intelligentes, ont fait bombance avant nous en dépit du filet de protection. La récolte du week-end a été plus modeste que celle des deux week-ends précédents (environ trois fois le volume ci-dessous quand même).
Vous trouvez ce billet trop long ? J’ai fait la synthèse de ce qui suit dans une vidéo de moins de 2 minutes.
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Bienvenue dans ma semaine Twitter 23 de 2024.
Précieux médiateur
On le trouve à l’AMF : c’est une personne nommée pour un mandat renouvelable d'une durée de trois ans par le président de l’AMF après avis du Collège.
Selon le code monétaire et financier, ce médiateur est habilité
à recevoir de tout intéressé les réclamations qui entrent par leur objet dans la compétence de l’Autorité des marchés financiers et à leur donner la suite qu’elles appellent.
La charte de la médiation stipule que
le médiateur peut être saisi par tout consommateur ou « non professionnel » au sens de l’article liminaire du code de la consommation, d’un différend à caractère individuel en matière financière, relevant de la compétence de l’AMF. En revanche, il n’est pas compétent en matière bancaire, de fiscalité et d’assurance.
Avant de saisir le médiateur, le consommateur doit avoir préalablement tenté de résoudre son litige auprès de l’intermédiaire concerné.
Marielle Cohen-Branche a été nommée pour la première fois médiateur de l’AMF le 16 novembre 2011. Son mandat a été reconduit à plusieurs reprises, la dernière fois le 12 novembre 2021.
En 2023, les litiges liés au plan d’épargne en actions demeurent le premier motif de saisine. Ils représentent 25% du total, devant les saisines liées à l’épargne salariale (18 % du total).
Les litiges relatifs aux SCPI, au financement participatif immobilier et aux crypto-actifs sont de nouveau en forte hausse.
Les deux tiers des dossiers liés au PEA concernent le délai de transfert d’un plan d’un établissement à un autre.
Pour les SCPI, les saisines ont principalement porté sur les délais d’exécution des demandes de rachat et la dépréciation des parts.
Quelques métriques.
Le champ de compétence du médiateur de l’AMF étant restreint, de nombreux dossiers sont clos pour incompétence.
Près des deux tiers (64 %) de ces dossiers concernent le domaine bancaire, avec une large majorité de particuliers victimes de fraudes à la carte bancaire sur internet.
La médiation est une belle invention : en 2023, 95% des recommandations partiellement ou totalement favorables aux demandeurs (qui représentaient 59% des propositions de solution) ont été suivies par les deux parties.
Je rappelle que
[l]’entrée en médiation repose sur une démarche volontaire des deux parties, et celles-ci ont la possibilité de se retirer du processus de médiation à tout moment.
Dans la partie du rapport annuel consacrée aux SCPI, il est rappelé que
[c]ontrairement à ce qu’ont invoqué certains épargnants dans leur demande de médiation, la société de gestion ne peut informer les actionnaires préalablement à une décision de diminution du prix de souscription. A fortiori, elles ne sont pas tenues non plus de requérir leur consentement préalable. Le médiateur a donc dû faire preuve de pédagogie pour leur expliquer qu’ils conservaient la faculté d’annuler leurs demandes de retrait non encore exécutées pour attendre de possibles jours meilleurs et leur rappeler que les SCPI sont des instruments qui comprennent un risque de perte en capital.
Je termine avec les crypto-actifs : si le nombre de saisines continue d’augmenter, le pourcentage de dossiers recevables stagne (31% en 2023, 32 % en 2022).
Les deux principaux motifs d’irrecevabilité sont, comme en 2022, les faits susceptibles de constituer une escroquerie […], mais surtout l’absence d’enregistrement ou d’agrément du PSAN auprès de l’AMF.
Eh oui, pour que la demande soit recevable, il faut que le demandeur soit non-professionnel et client d’un PSAN et que les faits se soient produits quand l’entité était PSAN, pas avant.
Ah, et ceci.
Des dossiers dans lesquels sont mis en cause des PSAN sous enregistrement simple révèlent des conditions générales préoccupantes.
Comme il est bien connu que tous les clients particuliers lisent les conditions générales, ce n’est pas grave. Sauf en cas de problème, bien entendu.
Pour une fois que je dis du bien de l’AMF : ce rapport annuel est une mine d’informations, il est de surcroît fort bien écrit et très pédagogique.
Lisez-le !
Sa majesté indicielle
La gestion indicielle à bas coûts existe pour le grand public depuis 1975, année de création de Vanguard aux Etats-Unis par Jack Bogle.
Quand fut lancé le premier fonds actions indiciel à destination des particuliers, l’establishment de la gestion d’actifs se gaussa de ce qu’on appelait « the Bogle folly ».
Pour Ned Johnson, alors à la tête de Fidelity, il était inconcevable que la gestion indicielle puisse séduire des investisseurs en quête de performances extraordinaires :
Je ne peux pas croire que la majorité des investisseurs va se contenter de performances moyennes.
Il y eut même ceci, rétrospectivement hilarant. Ce poster venait du Leuthold Group.
En 1990 fut lancé au Canada le premier fonds indiciel coté en bourse, ou Exchange Traded Fund (ETF), enveloppe qui permit à la gestion indicielle de progresser encore plus.
Cette dernière n’en finit pas de séduire et ceux qui s’en gaussaient dans les années 1970 comme Fidelity sont devenus des acteurs de la gestion indicielle.
If you can’t beat them, join them.
Aux Etats-Unis, les encours détenus par les fonds indiciels ont dépassé ceux des fonds gérés activement fin 2023 selon Morningstar.
En Europe, on n’en est pas encore là : les banques et les compagnies d’assurance dominent la distribution et là où les rétrocessions ne sont pas interdites (c’est-à-dire partout sauf au Royaume-Uni et aux Pays-Bas), ces réseaux dominants n’ont aucun intérêt à distribuer des ETF indiciels, produits sur lesquels il n’y a pas de rétrocessions.
Tant pis pour eux : les investisseurs en fonds actions votent avec leur portefeuille en vendant des fonds gérés activement et en achetant des fonds indiciels.
Pour les fonds obligataires, la gestion active domine toujours en Europe, tant la collecte que les encours.
Mais si l’on en croit ce qui s’est passé aux Etats-Unis, l’indiciel va finir par s’imposer sur ce segment aussi : selon les données de Morningstar, dans la catégorie des Obligations taxables — de très loin la plus importante en encours —, la part de marché des fonds indiciels était de 42,5% à fin avril (2237 milliards de $ contre 3022 milliards pour les fonds gérés activement).
La collecte sur 12 mois glissants a été de 206 milliards de $ pour les fonds indiciels, contre 90 milliards de $ pour les fonds gérés activement.
Il y a 3 ans, à fin avril 2021, la part de marché des fonds indiciels de la catégorie Obligations taxables était de 35,3%.
Comme ne l’a pas dit Victor Hugo :
On n'arrête pas une idée dont le temps est venu.
La gestion indicielle à bas coûts ? Une excellente idée pour la quasi totalité des investisseurs dont le temps est venu.
A titre anecdotique, les encours des ETF — qui sont encore presque exclusivement indiciels — viennent de dépasser 2000 milliards de $ en Europe pour la première fois (source).
Sur l’histoire de la gestion indicielle, lisez Trillions de Robin Wigglesworth.
Courir après la réglementation
Depuis 2008, la réglementation s’est emballée. Il faut dire que la crise financière avait fait des dégâts dans le monde entier.
Tout problème passé trouvant a posteriori sa solution dans une nouvelle réglementation, il y eut pléthore de nouvelles réglementations.
Leurs objectifs, évidemment louables ?
Protéger les investisseurs.
Ou encore :
Réduire les risques systémiques.
Parfois, les nouvelles réglementations courent beaucoup plus vite que les acteurs qui y sont soumis. Elles courent aussi beaucoup trop vite : elles entrent en vigueur alors qu’elles ne sont pas définitives et qu’elles continuent d’évoluer.
Casse-tête insoluble pour les institutions qui doivent s’y conformer.
En août 2022 est entrée en application dans l’Union européenne l’obligation2 de recueillir les préférences des clients en matière de durabilité pour les distributeurs de produits de placement, dont les banques.
Mais ce n’est qu’en octobre 2023 que sont entrées en vigueur les orientations de l’ESMA venant en préciser les modalités. Plus d’un an après.
L’AMF a fait réaliser par un institut d’études spécialisé une campagne de 182 visites mystère entre septembre 2023 et mars 2024 auprès de conseillers de 12 établissements bancaires3.
Qui étaient ces visiteurs mystère ?
Deux profils d’épargnants se sont présentés en agences bancaires : un profil potentiellement intéressé par la réalisation d’un investissement durable, ainsi qu’un profil exprimant spontanément son désir d’investir de façon durable. Dans les deux cas, le visiteur mystère disposait d’une épargne financière dont le montant était compris entre 60 000 et 105 000 euros, était à la recherche d’un conseil en investissement et prêt à prendre des risques pour valoriser son capital dans les dix ans à venir en choisissant un placement durable.
Le régulateur précise que ces visites
ne correspondent pas à un exercice de contrôle, mais constituent un outil de veille et d’amélioration des pratiques exercées.
Heureusement.
L’AMF rappelle les obligations (monstrueuses, à l’image de la réglementation financière récente qui vise à protéger les investisseurs particuliers) des distributeurs de produits de placement :
[L]es préférences de durabilité, si le client en exprime, doivent être précisément et obligatoirement collectées sur trois axes : la taxonomie, le règlement européen SFDR pour Sustainable Finance Disclosure Regulation et les « principales incidences négatives » définies comme les effets négatifs sur les facteurs de durabilité liés aux décisions d’investissement et aux conseils fournis.
Evidemment, on est loin du compte, et c’est normal :
Ces préférences ont été expliquées lors d’un entretien sur deux, le plus souvent de manière succincte. Leur recueil par le biais d’un questionnement sur chacun de ces trois axes, a été observé lors de moins d’un entretien sur cinq.
Même pour les obligations réglementaires plus anciennes, le compte n’y est pas :
Au-delà du recueil des préférences de durabilité, une proportion importante de conseillers bancaires n’a pas interrogé le visiteur mystère sur les aspects financiers de façon complète pour établir son profil, alors que la connaissance de la situation du client constitue une obligation depuis plusieurs années. Ainsi, par exemple, deux conseillers sur trois l’ont interrogé sur ses projets et objectifs financiers et un sur deux sur son expérience ou ses connaissances financières.
Il n’y aura évidemment pas — et c’est heureux — de sanctions à l’issue de ces visites.
Avec l’objectif de permettre une amélioration des pratiques, l’AMF a entamé une série de rencontres avec chacun des établissements visités pour revenir sur les résultats de cette campagne, proposer des axes d’amélioration et évoquer les éventuelles difficultés rencontrées.
La réglementation produit des monstres qui rendent l’investissement dans les produits de placement extrêmement fastidieux et intimidant (j’avais parlé ici du grand bond en arrière du DIC).
Je crains le pire de la démocrrratisation des actifs privés.
Lars Ponzi ? Charles Windhorst ?
Avertissement : j'ai assisté entre novembre 2022 et avril 2023 l'Association Collectif Porteurs H2O dans le cadre d'une mission rémunérée (détails ici). A vous de déterminer si elle influe sur ma couverture de l'affaire H2O AM sur ce blog.
Lars Windhorst, c’est l’homme, toujours tiré à quatre épingles, qui a coulé H2O AM.
Depuis qu’il est adolescent, Lars crée et surtout rachète des entreprises. Avec de l’argent qu’il emprunte. Lars a la fâcheuse habitude de ne pas toujours rembourser les prêteurs. Alors il lui faut trouver en permanence de nouveaux pigeons à plumer.
Chez H2O AM, il a réalisé le casse du siècle au détriment des pigeons du siècle.
C’en serait presque drôle si ces pigeons du siècle, investisseurs en théorie sophistiqués et en tout état de cause professionnels, avaient misé et perdu leur propre argent.
Mais ils investissaient l’argent que leur avaient confié des investisseurs. Ils ont donc perdu l’argent des autres.
Beaucoup d’argent (voir ci-dessous).
Les journalistes du Financial Times Olaf Storbeck, Cynthia O’Murchu et Robert Smith nous apprennent que certains des deals immobiliers de Lars ne marchent pas, comme ce centre commercial à Hanovre en Allemagne — Ihme Zentrum — construit dans les années 1970, dont Windhorst est devenu l’actionnaire majoritaire en 2019.
Windhorst avait promis d’investir des millions dans la rénovation du centre commercial, ce qu’il ne fit évidemment pas. Deux locataires importants résilièrent alors leur bail et cessèrent de payer leur loyer. Fin 2023, un administrateur fut désigné par un tribunal de Hanovre pour gérer la restructuration.
L’administrateur a demandé à Windhorst des documents sur la structure de détention du centre commercial et sur les flux financiers, documents qu’il ne réussit pas à obtenir. Windhorst ne se rendit pas à une audience à laquelle il était convoqué le 22 avril dernier, sans s’excuser.
Le tribunal a donc émis un mandat d’arrêt à l’encontre de Windhorst, qui a semble-t-il produit son effet : l’ex-ami de Bruno Crastes (Robert Smith et Cynthia O’Murchu avaient fait une extraordinaire et stupéfiante recension de leurs relations dans The Ballad of Lars and Bruno) a accepté de collaborer et d’assister à une audience prévue courant juin.
Une personne qui me suit sur Twitter, réagissant à mon tweet sur ce mandat d’arrêt, m’a demandé si Tennor était toujours l’actionnaire de Wild Bunch, un distributeur allemand de films dont la filiale française est fort connue.
Oui, il l’est toujours. Selon le modus operandi habituel de Windhorst, la société est cotée en bourse en Allemagne. Le flottant est minuscule et Voltaire Finance, société détenue par Tennor, est l’actionnaire majoritaire.
Je rappelle que les side-pockets H2O détenaient des obligations Voltaire Finance.
Quant à ADS Securities, qui est aussi actionnaire de Wild Bunch, c’est un courtier d'Abu Dhabi dont les side-pockets détenaient aussi des obligations. Ce courtier semble ne pas être détenu par Windhorst et les obligations ADS Securities ne sont pas en défaut.
Au 16 juin 2024, les derniers comptes annuels disponibles pour Wild Bunch étaient ceux de 2021. Ça vous rappelle La Perla ? Sequa Petroleum ? Amatheon Agri ?
A moi aussi.
Les comptes de Wild Bunch pour 2022 et 2023 sont annoncés pour le 14 juin 2024. Rendez-vous le 14 juin, ne retenez pas votre souffle.
Comment les gérants de H2O AM ont-ils pu faire confiance à Lars Windhorst, connu comme le loup blanc depuis qu’il a démarré sa carrière d’entrepreneur raté pour ne presque jamais rembourser ses dettes ?
Comment les gérants de H2O AM ont-ils pu investir vraisemblablement plus de 2 milliards d’euros confiés par les porteurs de parts de certains fonds dans les obligations et dans les actions d’entités liées à Tennor ?
C’est incompréhensible.
Des nouvelles du #H2Ogate
Avertissement : j'ai assisté entre novembre 2022 et avril 2023 l'Association Collectif Porteurs H2O dans le cadre d'une mission rémunérée (détails ici). A vous de déterminer si elle influe sur ma couverture de l'affaire H2O AM sur ce blog.
Morningstar a publié un graphique de l’évolution des actifs des fonds ouverts de H2O AM. Merci Lars !
Décidément, les voies de l’AMF sont toujours aussi impénétrables.
Le régulateur a en effet eu la riche idée de cesser de mettre à jour le site fournissant les données sur les OPCVM sans avoir mis en ligne de nouvelle version.
Les dernières données disponibles sont en date du 21 mars 2024. Nous sommes le 10 juin 2024.
Allô Houston, y a-t-il quelqu’un aux commandes ?
Je ne peux donc plus suivre la décollecte des fonds H2O AM. Pour les données de performance, je me fournis ailleurs que sur le site de l’AMF et peux donc les mettre à jour, mais elles n’ont aucune importance.
Depuis la scission des 7 fonds sinistrés de H2O AM, il est très difficile de reconstituer la performance des « vieux » fonds d’avant la scission.
Je me livre à l’exercice en calculant une valeur liquidative reconstituée, égale à la somme de la valeur liquidative des « nouveaux » fonds liquides (FCP à la fin du nom) et de la valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets.
Cette valeur liquidative reconstituée est une fiction, car aucune transaction n’est possible sur les side-pockets.
Mais elle permet de voir où en sont les porteurs de parts. Notamment par rapport au plus-haut historique atteint par les « vieux » fonds avant qu’ils ne heurtent des icebergs et fassent naufrage en février et mars 2020.
Autre limite de l’exercice : rien ne dit que les porteurs de parts récupèreront l’équivalent de la dernière valeur liquidative estimative des side-pockets. On ne le saura que quand toutes les participations illiquides auront été revendues au seul acheteur, Tennor, la holding de Lars Windhorst.
Ou plus exactement au fur et à mesure du remboursement par Tennor de la « first super senior secured note » (FSSSN) émise par Tennor, portant intérêt au taux annuel de 4,5% et prévoyant la possibilité de remboursements intermédiaires. Je rappelle (j’en avais parlé ici) que le remboursement total était initialement prévu début 2022. Les créanciers de Tennor, pour éviter la mise en liquidation de la société imposée par un tribunal néerlandais, ont consenti un délai supplémentaire de 6 mois (soit un remboursement début juillet 2022).
Je rappelle aussi que, comme de bien entendu, il n'y a eu aucun remboursement entre juillet et décembre 2022 de la part de Tennor.
Début janvier 2023, H2O AM a laissé entendre dans un communiqué sybillin que Tennor avait procédé fin 2022 à un premier remboursement partiel susceptible de permettre de diminuer le nominal de la FSSSN de 250 millions d'euros.
En fait de 250 millions, ce sont 143,752 millions qui ont été remboursés d'après mes calculs.
Par ailleurs, un porte-parole de Tennor avait déclaré début janvier au quotidien régional allemand Westfallen-Blatt que la holding de Lars Windhorst avait procédé en 2022 à plusieurs remboursements partiels de la FSSSN, dont un fin 2022 pour solde de tout compte.
Après avoir cessé pendant des mois de mettre à jour la valeur estimative mensuelle de side-pockets, bloquée à fin février 2023, H2O AM a dû se résoudre le 12 septembre 2023 à la baisser pour les 7 fonds.
Puis de nouveau en octobre pour les valeurs estimatives à fin septembre. Puis de nouveau en décembre pour les valeurs estimatives à fin novembre.
En janvier 2024, coup de théâtre : la valorisation estimative à fin décembre 2023 est en hausse.
H2O AM, généralement mutique, publiait le 26 janvier 2024 un communiqué de presse pour annoncer « un nouveau remboursement dans les prochaines semaines ».
Remboursement « de l’ordre de 70 millions d’euros ».
Puis nouveau coup de bambou sur les valorisations à fin janvier, en baisse de 109 millions d'euros (voir ci-dessus), avant même que les 70 millions d'euros annoncés aient été remboursés aux porteurs de parts.
Les 20, 21 et 22 mars arrivait le remboursement annoncé : H2O AM avait retenu la leçon de sa désastreuse communication sur le premier remboursement et avait choisi d'annoncer un montant inférieur au montant réel, qui est de 85 millions d'euros, répartis comme suit.
Entre la valorisation initiale d’octobre 2020 et celle de fin avril 2024, compte tenu des remboursements de janvier 2023 et mars 2024, la moins-value latente sur les 7 side-pockets est de près de 1 milliard 331 millions d’euros d’après mes calculs.
La valeur résiduelle des side-pockets à fin avril 2024 est estimée à 81,479 millions d'euros.
S'il n'y a de nouveau remboursement après celui de mars, la perte totale pour les porteurs de parts de side-pockets pourrait donc dépasser 1,4 milliard d'euros.
C'est le casse du siècle.
Pour les fonds liquides, voilà où on en est au 6 juin 2024 (date de la VL des fonds liquides dont le nom se termine par « FCP », la dernière valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets étant en date du 30 avril 2024).
J'ai ajouté à la VL reconstituée le montant des distributions de janvier 2023 et de mars 2024.
En matière de décollecte, voilà où on en était au 21 mars 2024 (merci et bravo à l’AMF, voir ci-dessus).
En matière de performance, voilà où on en est.
Les produits dont il a été question dans ma semaine Twitter 23 peuvent être achetés en priorité chez votre libraire (pour les livres).
Sinon, si vous n’avez vraiment pas accès à un libraire, ou pour les livres en anglais, parfois plus difficiles à se procurer en librairie en France, vous pouvez cliquer sur les liens disséminés dans ce billet (informations sur le programme d’affiliation Amazon ici).
Vous pouvez suivre le compte Twitter d’Alpha Beta Blog ici et mon compte en anglais là.
Je ne suis pas habilité à donner des conseils sur les produits de placement : ne me sollicitez pas pour cela car je ne vous répondrai pas.
Si vous avez des questions, consultez un conseiller en investissement financier. Un conseiller en investissement financier, c’est quelqu’un que vous payez pour qu’il.elle vous donne des conseils. Dans le jargon de MIF 2, seul le conseiller exclusivement payé par ses clients peut se déclarer indépendant.
Quelqu’un qui est payé par les fournisseurs de produits pour vous vendre lesdits produits, c’est un vendeur, pas un conseiller.
Comment trouver un conseiller en investissements financiers (CIF) indépendant au sens de MIF 2 ? C'est à peu près mission impossible : le site de l'ORIAS, qui est l'organisme auprès duquel s'enregistrent les CIF, ne permet pas de rechercher selon les critères "indépendant" ou "non-indépendant". Pas plus que ne le permettent les sites des 4 associations de CIF agréées par l'AMF.
C'est affligeant et scandaleux.
La charte éditoriale d’Alpha Beta Blog est consultable ici.
C’était ma semaine Twitter 23 de 2024. Sayōnara. さようなら.
J’ai trouvé deux traductions : “poubellisation” et “merdification”. J’ai choisi la seconde, plus proche du registre de la version originale.
Au titre de la directive MiFID II.
Banque Populaire, BNP Paribas, Caisses d’Epargne, CIC, Crédit Agricole, Crédit Coopératif, Crédit Mutuel, Crédit Mutuel Arkea, HSBC, LCL, La Banque Postale, Société Générale.
Bonjour,
Les assureurs ont ils une structure de coûts compatible avec l'absence de rétrocessions ? Avec la démocratisation des ETF ne pensez-vous pas qu'on verra apparaître soit des parts spécifiques plus chargées, soit des frais spécifiques pour l'investisseur en UC ETF ? Je sais que ces 2 modèles existent déjà, sans contagion il semblerait pour le moment.
Bien à vous