
Jusqu’en 1976, la gestion d’actifs était nécessairement active. Car le concept de gestion indicielle, en gestation depuis les années 1950, était inaccessible pour la quasi-totalité des investisseurs.
Il fallut la création de Vanguard en 1975, puis le lancement l’année suivante par cette société de type mutualiste du premier fonds indiciel à destination des investisseurs de détail, pour que commence la grande aventure de la gestion indicielle (j’en ai parlé dans ma précédente chronique).
En 2002, alors que la part de marché des fonds indiciels était encore modeste, le fournisseur d’indices Standard & Poor’s (devenu depuis S&P DJ Indices) lança une étude périodique pour comparer la performance des fonds gérés activement à celle de l’indice S&P DJ représentatif de leur catégorie, ou de leur famille de catégories.
Le nom de cette étude ? SPIVA, pour Standard & Poor’s Indices vs Active.
Pour différentes régions du monde (fonds domiciliés en Australie, au Canada, aux Etats-Unis, en Europe, au Japon, etc.) et sur différentes durées (un à vingt ans), SPIVA calcule au sein des catégories le pourcentage de fonds gérés activement ayant survécu sur la totalité de la période analysée et ayant fait moins bien que l’indice de référence.
Le calcul se fait sur la performance ainsi que sur la performance ajustée du risque.
SPIVA resta longtemps la seule étude mesurant la performance de la gestion active dans le monde entier.
En 2015, Morningstar lança une étude concurrente, Morningstar Active/Passive Barometer. Morningstar avait lancé une activité d’indices en 2002, d’envergure bien plus modeste que celle de S&P DJ Indices.
Là où SPIVA compare la gestion active à des indices, Morningstar a fait le choix méthodologique de comparer la gestion active à la gestion indicielle. Et même depuis fin 2024 à la performance moyenne pondérée des encours de la gestion indicielle plutôt qu’à la moyenne arithmétique de cette performance comme c’était le cas auparavant.
Choix sage dans la mesure où l’on ne peut pas investir directement dans un indice (on s’y expose via un véhicule indiciel qui facture des frais). Le baromètre Morningstar reflète par conséquent selon moi bien mieux l’expérience des investisseurs que l’étude SPIVA.
Morningstar calcule le taux de réussite de la gestion active comme suit : pourcentage de fonds gérés activement au sein d’une catégorie survivant sur toute la durée d’analyse et battant la performance moyenne des fonds indiciels de la même catégorie.
SPIVA et Morningstar Active/Passive Barometer ont des méthodologies différentes, travaillent sur des catégories différentes (SPIVA utilise les catégories de Lipper, Morningstar utilise les siennes), mais leurs résultats délivrent, année après année, le même enseignement : la team gestion active échoue collectivement à battre les indices ou les fonds indiciels comparables.
Quelques chiffres extraits du Baromètre Européen Actif/Passif de Morningstar à fin 2024, concernant 29 500 fonds, soit environ la moitié du marché.
Le taux de réussite pondéré des gérants actifs pour 38 catégories de fonds actions s'est élevé à 29,1% en 2024, en légère hausse par rapport à 28,7% en 2023. Sur 10 ans, le taux de réussite moyen des gérants actifs d'actions pour le même univers d’analyse s’est élevé à 14,2%.
En d’autres termes, sur 10 ans, 14,2% des gérants actions actifs ont survécu et fait mieux que les fonds indiciels de leur catégorie.
C’est à peine moins catastrophique pour les gérants obligataires : leur taux de réussite à 10 ans est de 26 %.
Bien entendu, sur toutes les périodes et dans toutes les catégories, il y a toujours des fonds gérés activement qui survivent et font mieux que l’indice ou les fonds indiciels de leur catégorie, en performance et/ou en performance ajustée du risque.
La question importante pour les distributeurs de produits de placement est la suivante : savez-vous les identifier à l’avance avec un degré de fiabilité élevé ?
Si ça n’est pas le cas, faites de l’indiciel.
Cette chronique, rédigée le 14 mars 2025, est parue initialement dans le numéro d’avril 2025 de Gestion de Fortune, sans les illustrations, les notes de bas de pages, ni les liens