Ma Semaine Twitter 22 de 2024
Préférez-vous les associations à but non lucratif ou les associations lucratives sans but ?
Depuis quelque temps, on entend beaucoup moins parler de fonds ESG. Y compris en Europe, où, contrairement aux Etats-Unis, il n'y a pas eu d'offensive politique contre des fonds qui symboliseraient un capitalisme woke inventé de toutes pièces, mené par la célèbre entité marxiste-léniniste BlackRock.
J’écris souvent dans ce blog qu’investir dans un fonds actions ESG, fût-il le mieux intentionné au monde, n’a aucun impact sur la planète puisque le fonds achète et vend des actions à d’autres investisseurs sur un marché secondaire totalement déconnecté de la vie réelle.
En revanche, j’écris souvent que si un investisseur veut mettre en adéquation ses valeurs avec son portefeuille de fonds actions, certains produits ESG peuvent le lui permettre.
Je comprends qu’il soit tentant de faire croire et de croire qu’on peut lutter contre les effets du réchauffement climatique en investissant dans un fonds actions “vertueux”, mais ce n’est tout simplement pas vrai.
En revanche, nous pouvons avoir un impact personnel en modifiant certaines de nos habitudes. Mais c’est évidemment plus douloureux que de déléguer la tâche à un gérant d’actifs afin de se donner bonne conscience pour un effort minime.
Le Monde a publié une série intéressante sur « La course aux métaux stratégiques ».
A cette occasion, Jean-Michel Bezat et Bastien Bonnefous ont interrogé Christel Bories, la Présidente Directrice Générale du groupe minier et métallurgique français Eramet, qui dit ceci :
Le consommateur, notamment européen, ne doit pas être hypocrite : il veut des produits verts mais il ne veut acheter pas cher, il veut des éoliennes mais pas dans son jardin, il veut bien des métaux pour la transition énergétique mais pas de mines dans son pays. A un moment, il faudra que chacun se pose les bonnes questions.
C’est tellement confortable d’être hypocrite.
Si le sujet des métaux vous intéresse, lisez La guerre des métaux rares de Guillaume Pitron et Métaux, le nouvel or noir, d’Emmanuel Hache et Benjamin Louvet.
J'ai lancé en novembre 2023 un Substack à destination des investisseurs privés, L'Odyssée des Placements. Mon objectif ? Contribuer à améliorer la littératie financière des abonné.e.s.
Le lancement est parrainé par Indexa Capital, qui commercialise en France le contrat d'assurance vie en gestion sous mandat le moins cher (j'en avais parlé ici) : Indexa Vie Spirica. Vous pourrez bénéficier sous conditions d'une remise pendant un an sur les frais d'assurance et de mandat en suivant ce lien.
Comme il pleut tout le temps, je me suis échappé en Sicile la semaine dernière avec le commissaire Montalbano du grand Andrea Camilleri. J’ai lu La pyramide de boue.
L’intrigue ? Peu importe. Montalbano mange toujours autant, que ce soit au restaurant ou chez lui, où officie Adelina, qui fait le ménage et la cuisine.
Un extrait, sans faute de frappe (Serge Quadruppani traduit ainsi certains éléments de dialecte sicilien) :
En premier lieu, à peine rentré à la maison, il alla mater ce qu'Adelina lui avait priparé. Ouvrir le four ou le réfrigérateur lui donnait exactement la même émotion que quand il était minot et qu'il brisait l'oeuf de Pâques pour voir ce qu'il y avait dedans. Peut-être pour se faire pardonner ses manières bourrues de la matinée, Adelina lui avait préparé un merveilleux plat de pâtes 'ncasciata et deux saucisses à la sauce tomate.
Comme il faisait trop chaud en Sicile, je suis parti ensuite en Norvège avec Jørn Lier Horst et son enquêteur William Wisting que j’avais découvert l’an dernier et dont j’avais parlé ici.
J’ai lu Le disparu de Larvik.
L’intrigue ? Peu importe, comme pour le Camilleri. Ce qui est intéressant, c’est le personnage principal. Wisting est bien moins truculent que Montalbano et Jørn Lier Horst ne le fait presque jamais manger. Et quand il mange, ça ne donne pas envie de partager sa pitance.
A midi, Wisting sentit qu’il avait faim. Ce jour-là non plus, il n’avait pas apporté de casse-croûte. Emportant ses réflexions avec lui, il traversa la place du commissariat. Quelques nuages épars subsistaient, mais ils étaient blancs et aériens.
Il s’acheta un hot-dog et une bouteille de Farris au point de presse Narvesen, puis alla s’asseoir sur un banc et mangea, un oeil distrait posé sur des goélands qui se battaient pour un bout de pain.
Les Norvégiens ont du gaz naturel. Ils ont aussi le Government Pension Fund Global et ses 1500 milliards d’euros d’actifs gérés au bénéfice des générations futures.
Vaut-il mieux être norvégien et aller passer ses vacances en Italie ou être italien et aller passer ses vacances en Norvège ?
En ce qui nous concerne, nous avons échappé à la fête des voisins 2024 pour cause de pluie. Je n’ai donc pas eu à refuser le punch de Patrick.
Par miracle, il n’a pas plu dimanche dernier dans le Vexin et nous avons donc pu compléter les plantations (24 pieds de tomate + 12 pieds de salade + 2 pieds de basilic + 1 pied de rhubarbe) et déjeuner dehors avec des amis.
Le menu ? A mi-chemin entre Montalbano et Wisting.
Vous trouvez ce billet trop long ? J’ai fait la synthèse de ce qui suit dans une vidéo de moins de 3 minutes.
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Bienvenue dans ma semaine Twitter 22 de 2024.
Si l’on parlait de gestion active ?
Si je vous disais que j’ai reçu dans un podcast un des grands noms de la gestion actions en France, me croiriez-vous ?
Non ? Vous auriez tort.
Dans ex.change, le tout nouveau podcast de CFA Society France, j’ai eu le plaisir de m’entretenir avec Romain Burnand, le président et fondateur de Moneta Asset Management.
Depuis plus de 20 ans, Romain Burnand et son équipe analysent un nombre réduit d’entreprises européennes et gèrent un nombre restreint de fonds : Moneta Multi Caps, Moneta Micro Entreprises, Moneta Long Short, MME 2026, MME 2027 et MME 2029.
L’un de ces fonds, Moneta Micro Entreprises, est même fermé aux nouvelles soucriptions depuis 2009.
J’ai interrogé Romain Burnand sur l’évolution du marché de la gestion d’actifs en France depuis 2003, sur l’avenir de la gestion active — prise en le marteau de la gestion indicielle à bas coûts et l’enclume des actifs privés —, sur les compétences requises pour être analyste ou gérant de portefeuille.
Nous avons aussi parlé du G d’ESG, à savoir de gouvernance. J’ai demandé à Romain Burnand comment avait évolué la gouvernance en France depuis 2023.
Dans sa réponse, il a rappelé ceci :
Il faut savoir que le monde financier ne travaille pas forcément pour l'investisseur. Les banquiers, les avocats, les cabinets de conseil gagnent beaucoup plus d'argent vis-à-vis des émetteurs que vis-à-vis des investisseurs que nous sommes. Et donc il faut bien savoir que si ce n'est pas nous qui défendons nos intérêts, personne ne le fera à notre place.
Je répète :
Il faut savoir que le monde financier ne travaille pas forcément pour l'investisseur.
J’ai adoré cet entretien car les réponses de Romain Burnand à mes questions étaient précises et sans fioritures, à son image.
Nous sommes trois hôtes pour animer le podcast ex.change de CFA Society France : mes camarades Myriam Ferran, CFA, et Lenny Kessler, CFA, et moi.
Myriam s’intéresse aux différents métiers de la finance en recevant des détenteurs des différentes certifications de CFA Institute.
Lenny s’intéresse à l’immense champ de l’extra-financier. Quant à moi, je m’intéresse aux enjeux du secteur financier.
Dans le premier épisode d’ex.change, Lenny a reçu Cyrus Farhangi pour discuter des limites planétaires.
Pour ne manquer aucun épisode, abonnez-vous à ex.change sur les plateformes habituelles : Amazon, Apple, Spotify.
Qui sera la prochaine nouvelle star ?
Au Royaume-Uni, Neil Woodford était “The man who can't stop making money”.
C’est du moins ce qui figurait dans le titre d’un article de Brian Milligan paru en juin 2015 sur le site de la BBC.
Neil Woodford a été pendant quelques années la star du stock-picking au Royaume-Uni. Et quand les médias tiennent une star, elles en usent et en abusent, car une star, c’est bon pour l’audience.
Pour faire de l’audience, le titre est important. Il faut attirer l’oeil. D’où :
Neil Woodford, the man who can’t stop making money
Quand la star déchoit, pas de problème : le média n’est pas un conseiller financier, il n’a aucune responsabilité vis-à-vis de ses lecteurs et n’a que l’embarras du choix pour choisir la nouvelle star.
Woodford a déchu : son fonds-phare, Woodford Equity Income, plombé par des performances médiocres, a été coulé par ses participations illiquides, dont le poids a augmenté au fur et à mesure que la société de gestion devait vendre les titres liquides pour faire face aux demandes de rachats.
Jusqu’à ce que les souscriptions et les rachats soient suspendus et que Woodford Investment Management soit liquidée.
Woodford est mort, vive Nick Train !
Nick Train, “the star fund manager”.
Pas “fund manager”, mais “star fund manager” selon cet article de décembre 2022.
Même si
les performances des fonds et de l’investment trust gérés par Nick Train donnent des signes d’essouflement depuis environ un an, parce que son style d’investissement n’a plus la cote.
Traduction de la novlangue du malheureux journaliste chargé d’écrire des papiers sur les gérants stars :
Les performances relatives des fonds gérés par Nick Train sont exécrables après avoir été excellentes, ce qui est normal pour tout gérant vraiment actif.
Mais plutôt que d’écrire ceci, mieux vaut ce tour de passe-passe qui n’explique rien :
son style d’investissement n’a plus la cote.
Il (le style d’investissement de Nick, the star fund manager) n’a toujours pas la cote en 2024, à telle enseigne que Nick a dû s’excuser auprès des investisseurs de ses performances exécrables.
Quand je regarde la structure du portefeuille début 2020, juste avant le début du Covid-19, je suis frappé par ce qui apparaît aujourd’hui comme un échec évident. Avec du recul, le portefeuille n’était pas assez exposé aux sociétés dont les produits et les services allaient probablement être plus pertinents et plus utiles aux consommateurs, au fur et à mesure que nous avançons dans le 21e siècle.
Eh oui, si j’avais connu l’avenir avant de prendre des décisions, j’aurais surperformé.
Les mêmes journaux qui demandaient à “Nick the star fund manager” des recommandations d’investissement (“The star fund manager highlights a handful of shares he is bullish on for the years to come” ), expliquent aujourd’hui “pourquoi les talents de stock picker de Nick Train ont déraillé” en reprenant les explications dudit Nick dans un (trop) long article présentant les titres en portefeuille qui ont déçu :
Le gérant star explique que la performance du fonds Finsbury Growth & Income a été tirée vers le bas par des titres comme Burberry et Diageo et par l’absence d’investissements dans des valeurs des secteurs pétrolier et minier cotées au Royaume-Uni.
Eh oui, la gestion active, ça consiste à être différent des indices ! Parfois ça marche, parfois ça ne marche pas.
Plutôt que de chercher la nouvelle star, j’ai bien une idée : si vous croyez au marché actions, exposez-vous y via un véhicule indiciel à bas coûts. Vous détiendrez toutes les valeurs : les stars et les daubes.
Vous ne savez pas s’il faut préférer la France aux Etats-Unis, le Japon à l’Angleterre ?
Exposez-vous à un véhicule indiciel à bas coûts répliquant un indice comme le MSCI World ou le FTSE Developed World.
Vous avez des convictions sur un marché national ? Exposez-vous y via un véhicule indiciel à bas coûts répliquant l’indice national le plus diversifié.
Comme le disait feu Jack Bogle (1929-2019), le fondateur de Vanguard :
Don't look for the needle in the haystack. Just buy the haystack!
A savoir :
Ne cherchez pas l’aiguille dans la meule de foin, achetez la meule de foin !
J’avais parlé ici de la récente notification de griefs de la FCA à Neil Woodford et à Woodford IM.
Sur l’histoire du Woodfordgate, lisez Built on a Lie - The Rise and Fall of Neil Woodford and the Fate of Middle England’s Money d’Owen Walker.
De Jack Bogle, lisez Le petit livre pour investir avec bon sens.
Sur Jack Bogle et Vanguard, lisez The Bogle Effect - How John Bogle and Vanguard Turned Wall Street Inside Out and Saved Investors Trillions d’Eric Balchunas.
A vau l’eau
A sa création en1976, le contrat Afer était une révolution dans un univers de l’assurance vie caractérisé par une immense opacité et des frais hallucinants.
Mon père, qui était agent général Abeille Assurances, devenue Aviva, puis redevenue Abeille Assurances, a commercialisé ce contrat auprès de ses clients.
Il en a évidemment souscrit un pour lui, un autre pour ma mère, et un pour chacun de ses deux fils (mon frère et moi, qui avons adhéré à l’association en 1989). A la naissance de chacune de mes trois filles, il leur a ouvert un contrat. C’est dire si l’Afer a été une affaire de famille chez les Maupas.
Pour souscrire au contrat Afer, il est obligatoire d’adhérer à l’association du même nom.
L’association, dans l’imaginaire collectif, c’est bien, c’est propre, c’est désintéressé.
On sait bien, notamment depuis le scandale de l’ARC et les détournements massifs de fonds par Jacques Crozemarie, que ce n’est pas toujours le cas.
L’association Afer a elle aussi connu son lot de scandales : les deux co-fondateurs, Gérard Athias et André Le Saux, tout en prônant la transparence, avaient signé avec l’assureur un contrat d’intéressement confidentiel leur ayant permis de s’enrichir considérablement entre 1982 et 1997 (source).
L’association Afer, forte de 760 000 membres, est présidée depuis 2007 par Gérard Bekerman, réélu depuis avec des scores de république bananière.
Cette association est tellement sclérosée que le contrat Afer, longtemps en pointe, est aujourd’hui totalement dépassé.
La dernière lettre des adhérents (numéro 123, mai 2024) apporte quelques informations stupéfiantes dans le style pontifiant qui est devenu la marque de fabrique de ses rédacteurs.
Exemple, extrait de l’édito de Gérard Bekerman, dont je me demande parfois s’il n’est pas la réincarnation d’Ayn Rand et s’il n’ambitionne pas de remplacer un jour un de ces ministres des finances qu’il aime à recevoir en audience.
Il y a parle “des élus de la République, incapables de voter un budget en équilibre, tel un mauvais père de famille”.
“Tel un mauvais père de famille.” On parle encore vraiment comme cela ?
J’avais parlé ici des médiocres performances du fonds euros du contrat Afer.
Bekerman en convient et pratique la méthode Coué :
Evidemment, notre taux de 2,22% n’est plus parmi les meilleurs. Oui, il va le redevenir. L’Afer, elle, a confiance.
Par la magie performative du verbe, les performances du fonds euros vont se redresser et ce fonds va reprendre sa place parmi les meilleurs. Rendez-vous dans le futur pour relever les compteurs.
S’il n’y avait que cette communication boursouflée, ce ne serait pas très grave.
Mais il y a aussi, alors que l’assemblée générale des adhérents de l’association approche1, la toujours instructive et de plus en plus surréaliste partie consacrée aux conventions réglementées.
On y apprend ceci :
Au titre de l’exercice 2023, Monsieur Gérard Bekerman a perçu, pour sa fonction de Président de l’Association, une rémunération nette de 297 893 €, les charges salariales et patronales étant de 214 756 €.
J’en infère que le coût total pour l’association s’est élevé à 512 649 euros.
Comme l’évolution d’une année à l’autre n’est pas mentionnée, je suis allé chercher le montant 2022 dans la lettre des adhérents numéro 121 de mai 2023.
Au titre de l’exercice 2022, Monsieur Gérard Bekerman a perçu pour sa fonction de Président de l’Association, une rémunération nette de 262 918 euros, les charges salariales et patronales étant de 192 552 euros.
Sur un an, l’augmentation de la rémunération nette de Gérard Bekerman a été de 13,3%2. Faut dire qu’il y a eu de l’inflation, hein.
Comme l’écrit Bekerman Gérard dans son édito de mai 2024 :
Lentement, l’inflation, elle, recule, mais la vraie inflation, celle qui mine notre pouvoir d’achat, augmente.
Feu Pierre-Patrick Kaltenbach, parrain de ma femme, était magistrat à la Cour des Comptes et avait audité de nombreuses associations. Il avait créé une magnifique formule, éternellement d’actualité : Associations lucratives sans but.
Au titre des conventions réglementées, l’association a versé en 2023 un montant total de 1 078 839 € à diverses personnes et pour différentes raisons : trésorière de l’association, secrétariat général de l’association, présidence de l’association, comité consultatif, délégué au conseil de surveillance de la gestion des fonds, honoraires des administrateurs, indemnités de présence.
Le montant total versé en 2022 était de 1 071 706 €. Presque pas d’inflation pour le montant total d’une année sur l’autre, tous les postes ont dû se serrer la ceinture.
A l’exception de la rémunération de Gérard Bekerman.
L’exemplarité, il n’y a que ça de vrai.
Le journaliste Jean-François Filliatre rappelle sur LinkedIn
que l'Afer ne respecte toujours pas l'article R. 141-9 du Code des assurances qui prévoit que si un administrateur est rémunéré, l'assemblée générale doit valider sa rémunération a priori, et non à posteriori ! Qui sait, un beau jour, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) se résoudra elle peut-être à faire appliquer les textes...
Qui sait, si Filliatre a raison, peut-être que l’ACPR va se réveiller ?
Parlons maintenant de demain.
La résolution 5 soumise au vote des membres de l’association mentionne un “nouveau contrat en épargne”.
L’Assemblée Générale donne mandat au Conseil d’administration pour dynamiser les performances et conquérir de nouveaux adhérents grâce à un nouveau contrat, qui permettra également aux adhérents actuels de profiter de son dynamisme au sein du même canton euro.
Diantre, un nouveau contrat, rien que ça ? Pour “conquérir de nouveaux adhérents”, alors que l’association dit en avoir recruté 17 944 en 2023 ?
Ah, un nouveau contrat “pour dynamiser les performances”. Ce qui doit vouloir dire que celles de l’ancien ne sont pas satisfaisantes.
Ah, un nouveau contrat pour “répondre aux besoins des adhérents en recherche de performance dans la durée et une plus grande transparence des frais”.
Ca ressemble furieusement à un constat d’échec de la part de l’équipe en charge du navire Afer, non ? Performance dans la durée non satisfaisante et transparence des frais insuffisante ?
On apprend aussi dans la résolution 8 que le conseil d’administration de l’Afer propose d’introduire une unité de compte investie en actifs non cotés et des ETF.
Hourra, les ETF arrivent dans le contrat Afer, la disruption est en marche.
Euh, non.
L’Assemblée Générale approuve le développement de la gamme des supports en unités de compte, comprenant notamment un support investi en actifs non cotés avec une valorisation hebdomadaire ainsi que l’introduction d’ETF y compris dans le cadre d’une Gestion Sous Mandat.
Par “y compris dans le cadre d’une Gestion sous Mandat”, il faut lire : “exclusivement dans le cadre d’une Gestion sous Mandat”.
Car introduire des ETF en gestion libre, ce serait faire entrer le loup dans la bergerie. Les ETF sont en effet des “instruments financiers sans aucune rémunération” selon le président de la CNCGP, une association de conseillers en investissement financier, dont j’avais rapporté ici les propos.
Sans aucune rémunération pour le vendeur.
Assuré Afer, tu veux des ETF ? Tu en auras si tu souscris à une gestion sous mandat, pour que les rétrocessions continuent de ruisseler sous une forme ou sous une autre.
Vous pensiez que l’Afer était une association d’assurés appuyés par des vendeurs ? C’est en réalité un réseau de vente attaché à une association.
A titre personnel, cela fait des années que j’ai cessé tout versement sur mon contrat Afer. J’ai trouvé bien mieux ailleurs pour mes besoins en matière d’assurance vie (voir l’introduction de ce billet).
A vau l’eau, c’est un roman de Joris-Karl Huysmans. Si vous aimez Huysmans, retrouvez ses Romans et nouvelles dans La Pléiade.
D’Ayn Rand, vous pouvez lire La source vive ou La grève.
Indéchiffrables frais
Règle numéro 1 du vendeur : ne jamais parler du prix.
Règle numéro 1 du vendeur de produits de placement : ne jamais parler des frais, qui sont le prix des produits qu’il vend.
Quand on vend des fonds, c’est très facile de n’en pas parler car ces frais sont invisibles pour qui ne fait pas des efforts importants pour les voir.
Un fonds n’envoie jamais de facture aux porteurs de parts : les frais sont déduits de façon invisible — mais pas indolore — de la valeur liquidative.
Heureusement, depuis une petite décennie, les régulateurs imposent plus de transparence. Mais il faut toujours chercher dans des documents souvent monstrueux les frais des produits de placement.
Tenez, même l’AMF semble s’y perdre.
Le régulateur français vient de publier une étude sur l’évolution des frais des fonds de droit français depuis 2017.
Pourquoi une telle étude ?
La connaissance des coûts des produits financiers reste très parcellaire en l’absence de reporting harmonisé des frais au niveau européen et les études sur le sujet s’appuient essentiellement sur des informations non-exhaustives collectées par des fournisseurs commerciaux de données.
Le régulateur s’est donc retroussé les manches et
a développé un outil informatique utilisant différentes techniques d’intelligence artificielle permettant d’extraire les tableaux de frais contenus dans les documents d’informations clés pour l’investisseur (DICI), et de les structurer dans une base de données exploitable.
Je reviendrai plus en détail sur cette étude dont voici les deux principaux enseignements selon moi.
Sans surprise,
[l]es fonds indiciels et les fonds institutionnels sont en moyenne moins chers que leurs équivalents (non indiciels, ou non institutionnels), du point de vue des frais courants comme de celui des frais d’entrée maximaux. L’écart moyen de frais courants est de l’ordre de 100 points de base pour les premiers, et de 30 points de base pour les seconds.
Sans surprise non plus si vous êtes lecteur de ce blog (j’en avais notamment parlé ici),
[l]es fonds distribués via des contrats en unités de compte présentent, toutes choses égales par ailleurs, des frais courants […] plus élevés que les autres ([…] 30 […] points de base).
Les frais des fonds ne sont qu’une partie des frais totaux. Il y en a bien d’autres.
Les frais de distribution et les frais correspondant aux enveloppes de détention (plan d’épargne en action, plan d’épargne en entreprise, plan d’épargne retraite collectif, assurance-vie en unité de compte) ne sont pas aisément disponibles. En conséquence, il est impossible, à l’heure actuelle, d’estimer le coût total d’un investissement en OPC.
Je répète :
Il est impossible, à l’heure actuelle, d’estimer le coût total d’un investissement en OPC.
Tragique pour les investisseurs.
Des nouvelles du #H2Ogate
Avertissement : j'ai assisté entre novembre 2022 et avril 2023 l'Association Collectif Porteurs H2O dans le cadre d'une mission rémunérée (détails ici). A vous de déterminer si elle influe sur ma couverture de l'affaire H2O AM sur ce blog.
Décidément, les voies de l’AMF sont toujours aussi impénétrables.
Le régulateur a en effet eu la riche idée de cesser de mettre à jour le site fournissant les données sur les OPCVM sans avoir mis en ligne de nouvelle version.
Les dernières données disponibles sont en date du 21 mars 2024. Nous sommes le 3 juin 2024. Allô Houston, y a-t-il quelqu’un aux commandes ?
Je ne peux donc plus suivre la décollecte des fonds H2O AM. Pour les données de performance, je me fournis ailleurs que sur le site de l’AMF et peux donc les mettre à jour, mais elles n’ont aucune importance.
Depuis la scission des 7 fonds sinistrés de H2O AM, il est très difficile de reconstituer la performance des « vieux » fonds d’avant la scission.
Je me livre à l’exercice en calculant une valeur liquidative reconstituée, égale à la somme de la valeur liquidative des « nouveaux » fonds liquides (FCP à la fin du nom) et de la valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets.
Cette valeur liquidative reconstituée est une fiction, car aucune transaction n’est possible sur les side-pockets.
Mais elle permet de voir où en sont les porteurs de parts. Notamment par rapport au plus-haut historique atteint par les « vieux » fonds avant qu’ils ne heurtent des icebergs et fassent naufrage en février et mars 2020.
Autre limite de l’exercice : rien ne dit que les porteurs de parts récupèreront l’équivalent de la dernière valeur liquidative estimative des side-pockets. On ne le saura que quand toutes les participations illiquides auront été revendues au seul acheteur, Tennor, la holding de Lars Windhorst.
Ou plus exactement au fur et à mesure du remboursement par Tennor de la « first super senior secured note » (FSSSN) émise par Tennor, portant intérêt au taux annuel de 4,5% et prévoyant la possibilité de remboursements intermédiaires. Je rappelle (j’en avais parlé ici) que le remboursement total était initialement prévu début 2022. Les créanciers de Tennor, pour éviter la mise en liquidation de la société imposée par un tribunal néerlandais, ont consenti un délai supplémentaire de 6 mois (soit un remboursement début juillet 2022).
Je rappelle aussi que, comme de bien entendu, il n'y a eu aucun remboursement entre juillet et décembre 2022 de la part de Tennor.
Début janvier 2023, H2O AM a laissé entendre dans un communiqué sybillin que Tennor avait procédé fin 2022 à un premier remboursement partiel susceptible de permettre de diminuer le nominal de la FSSSN de 250 millions d'euros.
En fait de 250 millions, ce sont 143,752 millions qui ont été remboursés d'après mes calculs.
Par ailleurs, un porte-parole de Tennor avait déclaré début janvier au quotidien régional allemand Westfallen-Blatt que la holding de Lars Windhorst avait procédé en 2022 à plusieurs remboursements partiels de la FSSSN, dont un fin 2022 pour solde de tout compte.
Après avoir cessé pendant des mois de mettre à jour la valeur estimative mensuelle de side-pockets, bloquée à fin février 2023, H2O AM a dû se résoudre le 12 septembre 2023 à la baisser pour les 7 fonds.
Puis de nouveau en octobre pour les valeurs estimatives à fin septembre. Puis de nouveau en décembre pour les valeurs estimatives à fin novembre.
En janvier 2024, coup de théâtre : la valorisation estimative à fin décembre 2023 est en hausse.
H2O AM, généralement mutique, publiait le 26 janvier 2024 un communiqué de presse pour annoncer « un nouveau remboursement dans les prochaines semaines ».
Remboursement « de l’ordre de 70 millions d’euros ».
Puis nouveau coup de bambou sur les valorisations à fin janvier, en baisse de 109 millions d'euros (voir ci-dessus), avant même que les 70 millions d'euros annoncés aient été remboursés aux porteurs de parts.
Les 20, 21 et 22 mars arrivait le remboursement annoncé : H2O AM avait retenu la leçon de sa désastreuse communication sur le premier remboursement et avait choisi d'annoncer un montant inférieur au montant réel, qui est de 85 millions d'euros, répartis comme suit.
Entre la valorisation initiale d’octobre 2020 et celle de fin avril 2024, compte tenu des remboursements de janvier 2023 et mars 2024, la moins-value latente sur les 7 side-pockets est de près de 1 milliard 331 millions d’euros d’après mes calculs.
La valeur résiduelle des side-pockets à fin avril 2024 est estimée à 81,479 millions d'euros.
S'il n'y a de nouveau remboursement après celui de mars, la perte totale pour les porteurs de parts de side-pockets pourrait donc dépasser 1,4 milliard d'euros.
C'est le casse du siècle dont j’ai parlé ici.
Pour les fonds liquides, voilà où on en est au 27 mai 2024 (date de la VL des fonds liquides dont le nom se termine par « FCP », la dernière valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets étant en date du 30 avril 2024).
J'ai ajouté à la VL reconstituée le montant des distributions de janvier 2023 et de mars 2024.
En matière de décollecte, voilà où on en était au 21 mars 2024 (merci et bravo à l’AMF, voir ci-dessus).
En matière de performance, voilà où on en est.
Les produits dont il a été question dans ma semaine Twitter 22 peuvent être achetés en priorité chez votre libraire (pour les livres).
Sinon, si vous n’avez vraiment pas accès à un libraire, ou pour les livres en anglais, parfois plus difficiles à se procurer en librairie en France, vous pouvez cliquer sur les liens disséminés dans ce billet (informations sur le programme d’affiliation Amazon ici).
Vous pouvez suivre le compte Twitter d’Alpha Beta Blog ici et mon compte en anglais là.
Je ne suis pas habilité à donner des conseils sur les produits de placement : ne me sollicitez pas pour cela car je ne vous répondrai pas.
Si vous avez des questions, consultez un conseiller en investissement financier. Un conseiller en investissement financier, c’est quelqu’un que vous payez pour qu’il.elle vous donne des conseils. Dans le jargon de MIF 2, seul le conseiller exclusivement payé par ses clients peut se déclarer indépendant.
Quelqu’un qui est payé par les fournisseurs de produits pour vous vendre lesdits produits, c’est un vendeur, pas un conseiller.
Comment trouver un conseiller en investissements financiers (CIF) indépendant au sens de MIF 2 ? C'est à peu près mission impossible : le site de l'ORIAS, qui est l'organisme auprès duquel s'enregistrent les CIF, ne permet pas de rechercher selon les critères "indépendant" ou "non-indépendant". Pas plus que ne le permettent les sites des 4 associations de CIF agréées par l'AMF.
C'est affligeant et scandaleux.
C’était ma semaine Twitter 22 de 2024. Sayōnara. さようなら.
Elle aura lieu le 25 juin 2024.
+12,55% pour le coût total de la rémunération.