Ma Semaine Twitter 21 de 2024
Alpha Beta Blog va au Tribunal de Commerce et migre vers Substack
Une de mes multiples activités consiste à compiler les arguments les plus divertissants contre la gestion indicielle. J’en avais donné un récent exemple ici.
Une autre de ces activités, moins divertissante mais plus sérieuse et plus utile, consiste à réfléchir à la façon dont les fournisseurs de produits de placement peuvent s’adapter pour faire face à l’essor inexorable de la gestion indicielle à bas coûts.
Je suis tombé la semaine dernière sur un billet de Matt Levine, le maître absolu de l’analyse des marchés, dont la lettre quotidienne Money Stuff est pour moi une lecture indispensable (et gratuite !).
Levine détaille un accord aux Etats-Unis entre Capital Group (qui gère la gamme de fonds actifs American Funds) et KKR pour lancer une gamme de fonds hybrides investissant à la fois dans des actifs cotés (c’est Capital Group qui s’en occupera) et des actifs privés (c’est KKR qui s’en occupera).
Facturer des frais de gestion aux investisseurs de détail pour des fonds gérés activement est peut-être une activité en phase terminale1. Mais il n’y a pas de fonds indiciels de crédit privé ! C’est pourquoi une des options les plus évidentes pour les gérants actifs est de faire des fonds investissant dans des actifs privés. Et l’option évidente pour les gérants alternatifs est d’accéder au segment des investisseurs de détail.
Je répète et isole la phrase importante :
Facturer des frais de gestion aux investisseurs de détail pour des fonds gérés activement est peut-être une activité en phase terminale.
Une activité en phase terminale. Ce serait vertigineux.
J'ai lancé en novembre 2023 un Substack à destination des investisseurs privés, L'Odyssée des Placements. Mon objectif ? Contribuer à améliorer la littératie financière des abonné.e.s.
Le lancement est parrainé par Indexa Capital, qui commercialise en France le contrat d'assurance vie en gestion sous mandat le moins cher (j'en avais parlé ici) : Indexa Vie Spirica. Vous pourrez bénéficier sous conditions d'une remise pendant un an sur les frais d'assurance et de mandat en suivant ce lien.
La semaine dernière, je me suis replongé dans les années 1985 à 1988 en lisant L’Enlèvement de Grégoire Kauffmann. J’avais alors entre 19 et 22 ans, c’est dire si c’est loin tout en étant encore assez vivace dans ma mémoire.
Grégoire Kauffmann, historien, est le fils de Jean-Paul Kauffmann.
Jean-Paul Kauffmann était journaliste à L’Evénement du Jeudi quand il fut enlevé, en même temps que le chercheur Michel Seurat, à Beyrouth. D’autres personnes furent également enlevées, dont des journalistes.
La captivité de Kauffmann dura 1078 jours. Sa femme Joëlle créa un collectif qui se mobilisa inlassablement pour réclamer la libération des otages.
Les lecteurs les plus anciens se souviennent probablement de l’ouverture du journal de 20 heures d’Antenne 2 qui se concluait invariablement par la mention :
Les otages n’ont toujours pas été libérés.
Grégoire Kauffmann avait 12 ans quand son père fut enlevé. Grâce aux archives du comité créé par sa mère, il fait la chronique à hauteur de l’enfant qu’il était de ces 1078 jours. C’est passionnant.
J’aime aussi beaucoup l’écrivain voyageur qu’est devenu Jean-Paul Kauffmann. J’avais adoré Remonter la Marne en sa compagnie.
Dans Zones limites, vous retrouverez L'Arche des Kerguelen, La Chambre noire de Longwood, La Maison du retour, Courlande, Remonter la Marne, Outre-Terre et Le Bordeaux retrouvé.
Dimanche dernier fut un jour faste dans notre potager du Vexin, où la première récolte de fraises a dépassé toutes nos espérances : 6,2 kg !
Comme moi, vous en avez assez de ce temps pluvieux ? Voici des roses pour patienter jusqu’au retour du soleil.
Vous trouvez déjà ce billet trop long ? J’ai fait la synthèse de ce qui suit dans une vidéo de moins de 3 minutes.
Vous pouvez vous abonner à la chaîne YouTube d’Alpha Beta Blog ici.
Bienvenue dans ma semaine Twitter 21 de 2024.
Lire l’AMF
Il y a encore quelques années, je ne m’intéressais pas beaucoup aux régulateurs des acteurs de la finance. Je trouvais leur communication ennuyeuse, leur prose indigeste et leurs propos soporifiques.
Ça a beaucoup changé depuis le crise financière de 2008 et je suis devenu un aficionado de certains régulateurs.
Je goûte particulièrement la production de la SEC aux Etats-Unis depuis que Gary Gensler en est président. Assez loin derrière, je place la FCA (Royaume-Uni).
Un peu derrière la FCA vient selon moi l’AMF, qui partait d’assez bas.
Quant à l’ACPR, elle a encore du travail sur le fond pour rendre ses contenus digestes.
L’AMF vient de publier son rapport annuel 2023.
En 2023, c’était le 20ème anniversaire de l’Autorité des Marchés Financiers, qui a succédé à la COB (Commission des Opérations de Bourse).
Parmi les chiffres-clés de l’AMF en 2023, je retiens ceux-ci :
509 collaborateurs.
700 sociétés de gestion et 12 379 organismes de placements collectifs (OPC) suivis pour un encours total de 1 980 milliards d’€.
37 enquêtes et 60 contrôles ouverts.
10 accords de transaction homologués pour un montant de 1,35 million d’€.
17 décisions de sanctions pour un montant de 34,94 millions d’€.
Dans sa lettre au Président de la République en début de rapport annuel, la présidente de l’AMF, Marie-Anne Barbat-Layani, écrit que
des évolutions structurelles fondamentales sont à l’oeuvre : la croissance du secteur financier non bancaire, le développement de la finance privée, une certaine désaffection de la cotation2, l’importance des risques liés à la cyber sécurité et la montée en puissance de l’intelligence artificielle.
Selon elle, trois sujets méritent une attention particulière :
la relance de l’Union des marchés de capitaux, l’attractivité de la Place de Paris et l’accroissement des missions de l’AMF autour de la digitalisation du monde financier et de l’essor de la finance durable.
L’AMF plaide pour que l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) devienne le superviseur de certains acteurs financiers paneuropéens (infrastructures de marché et plateformes de crypto-actifs).
Pour les grands gestionnaires d’actifs, le régulateur français est favorable à l’introduction d’une notion de groupe et d’une surveillance sur base consolidée.
Alors que les actifs privés se démocrrratisent, je ne résiste pas au plaisir de citer ce passage (gras ajouté par mes soins) :
[D]ans le secteur du capital-investissement, l’AMF a relevé des opérations de co-investissement effectuées à des prix différenciés ou encore des transferts de participations entre véhicules gérés réalisés à des prix très éloignés du marché. Ces situations, porteuses de conflits d’intérêts, n’étaient pas encadrées et ont fait peser des coûts injustifiés à certains fonds au bénéfice des autres. Les missions de contrôle ont aussi identifié des opérations de co-investissement entre les fonds et des entités liées au groupe d’appartenance de la société de gestion, ainsi que des investissements par les fonds dans des sociétés liées aux dirigeants, opérations non consignées dans le registre des conflits d’intérêts.
Mais pourtant, je croyais que les actifs privés, outre leurs vertus miraculeuses, permettaient d’aligner les intérêts de la société de gestion et des investisseurs externes ?
Citons encore ceci, dans le paragraphe consacré à la commercialisation de fonds par les sociétés de gestion :
Concernant la rémunération des distributeurs, souvent basée en partie sur des rétrocessions de frais de gestion, les investisseurs n’étaient pas toujours clairement informés de l’existence de ces rétrocessions et de leur montant, ou de leurs modalités de calcul. De plus, les sociétés de gestion n’étaient pas en mesure de matérialiser une amélioration du service fourni à leurs clients dans la durée du fait de cette rémunération des distributeurs.
Je rappelle que la présidente de l’AMF avait osé se prononcer contre l’interdiction des rétrocessions (source) :
Les idées simples en apparence, comme l’interdiction pure et simple des commissions, ne sont pas forcément les plus efficaces.
Tout en ajoutant ceci :
Mais évidemment, les frais doivent être raisonnables, transparents, et justifiés.
Mais c’est bien sûr, la transparence : pourquoi n’y avais-je pas pensé plus tôt ?
Lire l’ESMA
Restons chez les régulateurs et partons à l’ESMA3.
L’Autorité européenne des marchés financiers, basée à Paris, vient de publier dans un document de position 20 recommandations pour rendre les marchés financiers européens plus efficients et plus attractifs.
L’ESMA rappelle que les marchés de capitaux dans l’UE sont insuffisamment développés et fragmentés.
Si l’Europe peut être fière de l’histoire de ses marchés de capitaux, elle demeure handicapée par sa dépendance excessive au système bancaire et la nature fragmentée de ces marchés. L’Union des Marchés de Capitaux (UMC) a pour objectif de remédier à certains de ces défauts structurels en développant des sources de financement plus diversifiées pour les entreprises de l’UE, en améliorant le partage des risques économiques et en approfondissant l’intégration financière entre les Etats membres de l’UE.
Pour illustrer la nature fragmentée des marchés financiers dans l’UE, l’ESMA rappelle qu’au
3ème trimestre 2023, il y avait 31 004 fonds conformes à la directive OPCVM autorisés dans l’UE, à comparer à 11 996 [fonds4] aux Etats-Unis. Le nombre substantiel de fonds dans l’UE affecte leur scalabilité. En 2021, le fonds traditionnel [mutual fund] avait des encours moyens de 2,7 milliards € aux Etats-Unis, à comparer avec des encours de 400 millions € pour un fonds moyen dans l’UE.
Je suppose que si l’ESMA fait des recommandations, c’est que les objectifs initiaux n’ont pas été atteints.
Ces recommandations de l’ESMA s’articulent autour de trois axes :
Elargir les opportunités d’investissement des citoyens européens
Dynamiser le financement des entreprises européennes.
Améliorer l’agilité réglementaire, la cohérence de la supervision et la compétitivité à l’échelle mondiale.
Pour le premier axe, celui des citoyens, l’ESMA rappelle que
des options d’investissement simples et d’un bon rapport qualité/prix5 sont cruciales pour permettre aux citoyens d’investir leur épargne sur les marchés de capitaux au service de leurs besoins de long terme. Les principales recommandations dans ce domaine incluent le développement de produits d’investissement de long terme basiques et de systèmes de retraite avec des incitations adéquates qui contribuent au développement des marchés de capitaux. En complément, il faudra mettre en oeuvre des efforts pour promouvoir l’éducation financière.
Pour le deuxième axe, celui des entreprises, l’ESMA estime que
des options de financement diverses et durables sont essentielles pour alimenter la croissance et l’innovation dans l’UE, spécialement pour les PME. Les principales recommandations dans ce domaine concernent la mise en place d’un écosystème propice pour les sociétés cotées et l’encouragement des marchés pan-européens, tout en réduisant les obstacles à l’intégration, particulièrement en matière d’infrastructures de marché.
Pour le troisième axe, celui de la réglementation, l’ESMA affirme que
les marchés de capitaux de l’UE doivent être agiles pour répondre à des besoins en évolution. Les principales recommandations dans ce domaine concernent la modernisation du cadre réglementaire de l’UE, afin de se doter de nouveaux outils, comme celui de suspendre provisoirement l’application de certaines réglementations6. Simultanément, la consistance en matière de supervision parmi les superviseurs de l’UE devrait être prioritaire, tandis qu’une augmentation de la centralisation de la supervision au niveau de l’UE devrait être évaluée.
Parmi les 20 recommandations de l’ESMA, j’en retiens deux ciblant les citoyens de l’UE.
Créer un label de l’UE pour des produits de placement basiques et simples adaptés aux investisseurs de détail.
Ce label s’appliquerait à des instruments non complexes (OPCVM, actions et obligations) selon des critères de complexité et de rapport qualité/prix7.
Créer une catégorie de conseil simple pour les produits de placement basiques.
Cette catégorie serait destinée aux investisseurs ayant des besoins basiques, d’où le lien avec les produits dotés du label UE sus-mentionné. Les procédures d’adéquation et de reporting seraient allégées par rapport aux procédures actuelles, qui sont monstrueuses (mon appréciation, pas celle de l’ESMA).
Ce sont d’excellentes recommandations (tout comme les 18 autres). Je souhaite bien du courage pour la création d’un label UE pour les produits de placement basiques.
Les trop belles histoires d’Ark Invest
Selon les chiffres de Morningstar, Ark Invest, la société de gestion créée par Cathie Wood aux Etats-Unis en , était en tête de l’anti-palmarès des sociétés de gestion ayant le plus détruit de valeur sur 10 ans à fin 2023 : 14,3 milliards de $ évaporés, du fait de la combinaison des performances des ETF et du comportement des investisseurs, qui achètent massivement après une forte hausse, avant une baisse tout aussi massive.
Quant au produit phare de la société de gestion, Ark Innovation ETF, il est le 3ème destructeur de valeur à titre individuel sur la même période : -7,1 milliards de $.
C’est dire si Ark Invest a toutes les qualifications pour donner des leçons aux investisseurs.
La société doublement primée a osé publier un papier intitulé : “Pour capturer l’innovation disruptive, les investisseurs peuvent avoir envie de regarder au-delà du Nasdaq 100 et du S&P 500”.
Papier qui commence avec la rhétorique habituelle :
L’avancée simultanée de cinq plateformes majeures d’innovation — les blockchains publiques, l’intelligence artificielle (IA), le séquençage multiomique, le stockage d’énergie et la robotique — crée des opportunités potentiellement historiquement uniques pour les investisseurs.
Vous ne voudriez quand même pas passer à côté “d’opportunités potentiellement historiquement uniques” ?
Grant Banko, l’auteur de la note, montre que les indices Nasdaq 100 et S&P 500, très différents quand le premier a été lancé (en 1985), se ressemblent de plus en plus, notamment parce qu’ils comportent de plus en plus de valeurs communes.
Il en découle ceci, qui est théoriquement exact :
La similarité croissante entre les composants du NASDAQ 100 et du S&P 500 a des implications sur la signification de l’exposition à “innovation” comme opportunité d’investissement. Selon nous, alors qu’il comporte de nombreuses sociétés exposées à la technologie, le NASDAQ 100 n’est pas aussi concentré sur l’innovation disruptive, dont nous pensons qu’elle va transformer l’économie mondiale, que des alternatives et d’autres stratégies thématiques.
La conclusion de l’auteur :
Le vaisseau-amiral de la gamme ETF d’ARK, ARK Innovation ETF (ARKK), est l’une de ces stratégies thématiques alternatives.
Vous le sentiez venir ?
Mais quand même, Grant, vous êtes parmi les plus gros destructeurs de valeur de la dernière décennie, pourquoi vous faire confiance pour les prochaines ?
Si elle est relativement volatile dans sa phase initiale, l’innovation disruptive offre des opportunités de long terme de croissance potentiellement exponentielle, et peut-être même super-exponentielle, comme nous le détaillons dans notre rapport Big Ideas de 2024.
Et ben voilà, c’est tout simple : nous sommes toujours dans la phase initiale de l’innovation disruptive, phase volatile, mais le marché finira par nous donner raison.
Vous ne voulez quand même pas passer à côté d’opportunités de croissance potentiellement super-exponentielle ?
Je rappelle qu’Ark Invest a lancé 4 ETF en Europe le 12 avril 2024 (j’en ai parlé ici).
Pour le moment, les investisseurs semblent être circonspects : les encours du vaisseau-amiral, ARK Innovation UCITS ETF, s’élevaient à 4,5 millions de $ (source ,site consulté le 28 mai 2024).
Vous n’êtes pas obligé de croire au discours messianique d’Ark Invest.
Alpha Beta Blog au Tribunal de Commerce
Avertissement : j'ai assisté entre novembre 2022 et avril 2023 l'Association Collectif Porteurs H2O dans le cadre d'une mission rémunérée (détails ici). A vous de déterminer si elle influe sur ma couverture de l'affaire H2O AM sur ce blog.
Ce collectif avait assigné en décembre 2023 H2O AM LLP, H2O AM Europe, H2O Holding, Natixis IM, KPMG et Caceis (source). Une audience a eu lieu le mardi 28 mai au Tribunal de Commerce de Paris devant la septième chambre (Droit des marchés monétaire et financier).
J’y étais, bien sûr.
Il s’agissait d’une audience de mise en état, à savoir une phase d’échange d’écritures et de pièces entre les avocats des parties.
Cette affaire porte sur un montant de 717 749 265,98 euros.
Je rappelle les raisons sociales des défendeurs, ainsi que les avocats qui les représentent :
H2O AM LLP (Linklaters)
H2O AM Europe (Linklaters)
H2O AM Holding (Linklaters)
Natixis Investment Managers (Allen & Overy)
Caceis Bank (Gide Loyrette Nouel)
KPMG Audit (Cabinet Ronsard Avocats)
Marc Angrand du Monde nous a appris que près de 3000 nouveaux membres avaient rejoint le Collectif Porteurs H2O8.
Lequel Collectif vient donc de transmettre de nouvelles pièces : 1700 pages au total, dont 400 pour la liste des 3000 nouveaux membres.
Emoi chez les avocats des défendeurs, qui ont demandé un renvoi à une date aussi éloignée que possible afin d’avoir le temps examiner ces nouvelles pièces.
La greffière a abondé dans leur sens : il semble en effet que c’est la première fois qu’il y a tant de plaignants dans une affaire au Tribunal de Commerce de Paris.
Le Président a donc prononcé un renvoi au 15 octobre 2024 pour désigner un juge chargé de fixer un calendrier.
Le feuilleton continue. Il avait commencé médiatiquement le 17 juin 2019, quand le Financial Times avait révélé dans l’article “H2O Asset Management: Illiquid Love” la présence dans certains fonds gérés par H2O AM de titres peu liquides émis par des entités contrôlées par Tennor, la holding de Lars Windhorst, connue jusqu’en mai 2019 sous le nom de Sapinda.
Des nouvelles du #H2Ogate
Avertissement : j'ai assisté entre novembre 2022 et avril 2023 l'Association Collectif Porteurs H2O dans le cadre d'une mission rémunérée (détails ici). A vous de déterminer si elle influe sur ma couverture de l'affaire H2O AM sur ce blog.
Décidément, les voies de l’AMF sont toujours aussi impénétrables.
Le régulateur a en effet eu la riche idée de cesser de mettre à jour le site fournissant les données sur les OPCVM sans avoir mis en ligne de nouvelle version.
Les dernières données disponibles sont en date du 21 mars 2024. Nous sommes le 28 mai 2024. Allô Houston, y a-t-il quelqu’un aux commandes ?
Je ne peux donc plus suivre la décollecte des fonds H2O AM. Pour les données de performance, je me fournis ailleurs que sur le site de l’AMF et peux donc les mettre à jour, mais elles n’ont aucune importance.
J’ai compilé les actifs des fonds de H2O AM à fin avril (sauf pour certains fonds dont les rapports mensuels ne sont pas disponibles sur le site de la société de gestion, dont j’ai intégré les actifs au 17 mai).
J’arrive à 3,7 milliards d’euros. Dites-moi si j’ai oublié des fonds.
Depuis la scission des 7 fonds sinistrés de H2O AM, il est très difficile de reconstituer la performance des « vieux » fonds d’avant la scission.
Je me livre à l’exercice en calculant une valeur liquidative reconstituée, égale à la somme de la valeur liquidative des « nouveaux » fonds liquides (FCP à la fin du nom) et de la valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets.
Cette valeur liquidative reconstituée est une fiction, car aucune transaction n’est possible sur les side-pockets.
Mais elle permet de voir où en sont les porteurs de parts. Notamment par rapport au plus-haut historique atteint par les « vieux » fonds avant qu’ils ne heurtent des icebergs et fassent naufrage en février et mars 2020.
Autre limite de l’exercice : rien ne dit que les porteurs de parts récupèreront l’équivalent de la dernière valeur liquidative estimative des side-pockets. On ne le saura que quand toutes les participations illiquides auront été revendues au seul acheteur, Tennor, la holding de Lars Windhorst.
Ou plus exactement au fur et à mesure du remboursement par Tennor de la « first super senior secured note » (FSSSN) émise par Tennor, portant intérêt au taux annuel de 4,5% et prévoyant la possibilité de remboursements intermédiaires. Je rappelle (j’en avais parlé ici) que le remboursement total était initialement prévu début 2022. Les créanciers de Tennor, pour éviter la mise en liquidation de la société imposée par un tribunal néerlandais, ont consenti un délai supplémentaire de 6 mois (soit un remboursement début juillet 2022).
Je rappelle aussi que, comme de bien entendu, il n'y a eu aucun remboursement entre juillet et décembre 2022 de la part de Tennor.
Début janvier 2023, H2O AM a laissé entendre dans un communiqué sybillin que Tennor avait procédé fin 2022 à un premier remboursement partiel susceptible de permettre de diminuer le nominal de la FSSSN de 250 millions d'euros.
En fait de 250 millions, ce sont 143,752 millions qui ont été remboursés d'après mes calculs.
Par ailleurs, un porte-parole de Tennor avait déclaré début janvier au quotidien régional allemand Westfallen-Blatt que la holding de Lars Windhorst avait procédé en 2022 à plusieurs remboursements partiels de la FSSSN, dont un fin 2022 pour solde de tout compte.
Après avoir cessé pendant des mois de mettre à jour la valeur estimative mensuelle de side-pockets, bloquée à fin février 2023, H2O AM a dû se résoudre le 12 septembre 2023 à la baisser pour les 7 fonds.
Puis de nouveau en octobre pour les valeurs estimatives à fin septembre. Puis de nouveau en décembre pour les valeurs estimatives à fin novembre.
En janvier 2024, coup de théâtre : la valorisation estimative à fin décembre 2023 est en hausse.
H2O AM, généralement mutique, publiait le 26 janvier 2024 un communiqué de presse pour annoncer « un nouveau remboursement dans les prochaines semaines ».
Remboursement « de l’ordre de 70 millions d’euros ».
Puis nouveau coup de bambou sur les valorisations à fin janvier, en baisse de 109 millions d'euros (voir ci-dessus), avant même que les 70 millions d'euros annoncés aient été remboursés aux porteurs de parts.
Les 20, 21 et 22 mars arrivait le remboursement annoncé : H2O AM avait retenu la leçon de sa désastreuse communication sur le premier remboursement et avait choisi d'annoncer un montant inférieur au montant réel, qui est de 85 millions d'euros, répartis comme suit.
Entre la valorisation initiale d’octobre 2020 et celle de fin avril 2024, compte tenu des remboursements de janvier 2023 et mars 2024, la moins-value latente sur les 7 side-pockets est de près de 1 milliard 331 millions d’euros d’après mes calculs.
La valeur résiduelle des side-pockets à fin avril 2024 est estimée à 81,479 millions d'euros.
S'il n'y a de nouveau remboursement après celui de mars, la perte totale pour les porteurs de parts de side-pockets pourrait donc dépasser 1,4 milliard d'euros.
C'est le casse du siècle.
Pour les fonds liquides, voilà où on en est au 23 mai 2024 (date de la VL des fonds liquides dont le nom se termine par « FCP », la dernière valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets étant en date du 30 avril 2024).
J'ai ajouté à la VL reconstituée le montant des distributions de janvier 2023 et de mars 2024.
En matière de décollecte, voilà où on en était au 21 mars 2024 (merci et bravo à l’AMF, voir ci-dessus).
En matière de performance, voilà où on en est.
Les produits dont il a été question dans ma semaine Twitter 21 peuvent être achetés en priorité chez votre libraire (pour les livres).
Sinon, si vous n’avez vraiment pas accès à un libraire, ou pour les livres en anglais, parfois plus difficiles à se procurer en librairie en France, vous pouvez cliquer sur les liens disséminés dans ce billet (informations sur le programme d’affiliation Amazon ici).
Vous pouvez suivre le compte Twitter d’Alpha Beta Blog ici et mon compte en anglais là.
Je ne suis pas habilité à donner des conseils sur les produits de placement : ne me sollicitez pas pour cela car je ne vous répondrai pas.
Si vous avez des questions, consultez un conseiller en investissement financier. Un conseiller en investissement financier, c’est quelqu’un que vous payez pour qu’il.elle vous donne des conseils. Dans le jargon de MIF 2, seul le conseiller exclusivement payé par ses clients peut se déclarer indépendant.
Quelqu’un qui est payé par les fournisseurs de produits pour vous vendre lesdits produits, c’est un vendeur, pas un conseiller.
Comment trouver un conseiller en investissements financiers (CIF) indépendant au sens de MIF 2 ? C'est à peu près mission impossible : le site de l'ORIAS, qui est l'organisme auprès duquel s'enregistrent les CIF, ne permet pas de rechercher selon les critères "indépendant" ou "non-indépendant". Pas plus que ne le permettent les sites des 4 associations de CIF agréées par l'AMF.
C'est affligeant et scandaleux.
C’était ma semaine Twitter 21 de 2024. Sayōnara. さようなら.
“Charging retail investors fees for actively managed stock mutual funds is a business that might be in terminal decline.”
“L’attrition du nombre de sociétés cotées en France, tendance observée depuis de nombreuses années et qui avait connu une inflexion récente avec le rebond des introductions en bourse en 2021, a repris en 2023, avec une baisse de 7 % sur le marché réglementé. […] Cette attrition est principalement liée au manque de dynamisme des introductions en bourse, le nombre de radiations étant relativement stable.”
The European Securities and Markets Authority.
Fonds traditionnels (“mutual funds”) et ETF.
C’est ainsi que je traduis “cost-efficient”.
Ma traduction de “forbearance powers”.
“Cost efficiency” dans le texte d’origine en anglais.
J’ai écrit par erreur dans ce tweet que Merit Capital était un courtier : ce n’est pas le cas. C’était une “ société de gestion de fortune” dont je n’ai pas retrouvé le statut exact. Le tribunal d'entreprise d'Anvers avait déclaré Merit Capital en faillite en septembre 2022.
Bonjour,
Des chiffres consternants sur la gestion sous mandat : https://www.goodvalueformoney.eu/documentation/newsletter-n0-63-bilan-2024-good-value-for-money-des-offres-de-gestion-profilee
A noter que ces dernières années beaucoup d'assureurs ont demandé/exigé des gestion sous mandat de convertir une partie de leur fonds € en fonds obligataires. Les clients n'étaient pas toujours bien informés. Sans surprise ils se sont fait rincer lors de la remontée des taux et sur 7 ans les performances de ces profils sont inférieures à celle du fonds € (pour un risque supérieur).
Vive la GSM "autrefois réservée aux grandes fortunes".