Ma Semaine Twitter 1 de 2025
En 2025 les marchés fluctueront et il se produira des événements inattendus
Mes prédictions pour 2025 ? Les marchés fluctueront, il se produira des événements inattendus et de nouveaux narratifs émergeront pour justifier a posteriori des hausses ou des baisses.
Je vous souhaite une excellente année 2025, qui sera aussi celle du grand retour de la sélection de valeurs, en raison du niveau élevé d’incertitude et notamment du risque géopolitique.
2024 s’est terminé pour moi dans un mélange d’hilarité et de consternation grâce à Maxime Lecorps, responsable des produits d’épargne de la Société Générale.
Interrogé par Marie-Eve Frénay des Echos pour un article sur le succès des ETF, il a osé déclarer que
loger des ETF monde dans une enveloppe destinée à soutenir des entreprises européennes n'est pas la vocation première du PEA, nous ne conseillons pas ce type de pratique.
Je suis assez vieux pour me rappeler d’une époque où Lyxor, alors filiale de la SocGen, créait des ETF à réplication synthétique notamment pour rendre éligibles au PEA des ETF exposés à des valeurs non éligibles au PEA.
Je me rappelle aussi du partenariat entre BoursoBank (qui appartient au groupe SocGen) et BlackRock : pas de frais de courtage sur une sélection d’ETF iShares, dont un produit répliquant l’indice MSCI World éligible au PEA.
Mais non, le PEA, ça sert à soutenir des entreprises européennes. Qu’importe si cela fait bien longtemps que la bourse n’est plus le lieu où se financent les entreprises. C’est même plutôt le lieu où les entreprises rachètent leurs propres actions.
Ergo, “loger des ETF monde dans une enveloppe destinée à soutenir des entreprises européennes n'est pas la vocation première du PEA”.
Les bras m’en tombent.
Comme chaque annéee depuis fort longtemps, des thuriféraires de la gestion active avaient prédit que 2024 serait l’année du… grand retour de la gestion active.
Manifestement, les investisseurs n’en ont pas été convaincus, puisqu’ils semblent avoir retiré un montant record des fonds actions gérés activement l’an dernier : 450 milliards de dollars exactement selon les chiffres cités par le Financial Times (source).
C’est beaucoup d’argent, et beaucoup de chiffre d’affaires en moins pour les gérants actifs concernés. Heureusement que certains marchés actions ont été fort généreux.
En décembre 2024, j’ai levé le pied sur ce blog pendant 3 semaines et j’ai lu encore plus que d’habitude.
J’ai notamment lu avec beaucoup de plaisir Champs de bataille - L'histoire enfouie du remembrement d’Inès Léraud et Pierre Van Hove.
Inès Léraud, c’est la journaliste qui s’est intéressée de près à l’agro-industrie en Bretagne, qui partage quelques caractéristiques des systèmes mafieux.
De ses enquêtes, elle avait écrit avec le même Pierre Van Hove un livre qui avait connu un succès qui me semble parfaitement justifié et que j’avais beaucoup aimé : Algues vertes - L’histoire interdite.
Champs de bataille s’intéresse à l’histoire oubliée du remembrement et exhume des pans de l’histoire de l’agriculture en France au XXè siècle, de l’entre-deux guerres à l’Etat français de Vichy, qui a mis en place des structures qui lui ont survécu, jusqu’à nos jours. C’est passionnant.
J’ai ajouté un commissaire à ma collection : Yeruldelgger. Ce dernier a perdu sa fille Kushi il y a quelques années : elle a été enlevée puis assassinée et les coupables n’ont pas été retrouvés.
La femme de Yeruldelgger l’a quitté pour retourner chez son père, un homme d’affaires dangereux et puissant, et a perdu la raison. Saraa, la fille aînée de Yeruldelgger déteste son père, qui n’est plus que l’ombre du commissaire qu’il était avant l’assassinat de Kushi.
Quand on retrouve le cadavre d’une petite fille de 5 ans, enterrée après avoir été percutée par un véhicule sur son tricycle rose, Yeruldelgger revit la mort de Kushi. Au même moment, on découvre les cadavres mutilés de trois Chinois et ceux de prostituées, pendues.
Ah, le nom complet de Yeruldelgger, c’est Yeruldelgger Khaltar Guichyguinnkhen. Il est commissaire à Oulan-Bator, en Mongolie, et c’est le héros d’un livre de Ian Manook, qui, comme son nom l’indique assez mal, est un écrivain français (Patrick Manoukian).
Yeruldelgger, c’est très bon, très noir et très, très dépaysant, avec de superbes personnages féminins et un étonnant Gavroche mongol, Gantulga.
Ô joie, il existe un deuxième opus des aventures de Yeruldelgger, Les temps sauvages. Et même un troisième, La mort nomade.
J'ai lancé en novembre 2023 un Substack à destination des investisseurs privés, L'Odyssée des Placements. Mon objectif ? Contribuer à améliorer la littératie financière des abonné.e.s.
Le lancement est parrainé par Indexa Capital, qui commercialise en France le contrat d'assurance vie en gestion sous mandat le moins cher (j'en avais parlé ici) : Indexa Vie Spirica. Vous pourrez bénéficier sous conditions d'une remise pendant un an sur les frais d'assurance et de mandat en suivant ce lien.
Vous trouvez ce billet trop long ? J’ai fait la synthèse de ce qui suit dans une vidéo de moins de 3 minutes.
Vous pouvez vous abonner à la chaîne YouTube d’Alpha Beta Blog ici.
Bienvenue dans ma semaine Twitter 1 de 2025.
The Times They Are a-Changin'
Depuis les nuit des temps, les temps changent. De ce thème, Bob Dylan a fait une chanson fameuse.
En matière de placements, les temps changent aussi. Tout le temps.
Charles Ellis est un des grands noms de la gestion d’actifs depuis plus de 50 ans. Né en 1937, il a fondé en 1972 Greenwich Associates, un des pionniers du conseil aux investisseurs institutionnels.
Il a été trustee de Yale University entre 1997 et 2008 et pendant 7 ans a été Chair du comité d’investissement, le directeur des investissements étant David Swensen. Il a aussi été administrateur du groupe Vanguard entre 2001 et 2009.
Il a publié en 1975 un article fondamental dans le Financial Analysts Journal : "The Loser’s Game". Qu’écrivait-il (ma traduction) ?
Le secteur de la gestion d’actifs (ça devrait être une profession, mais ça n’en est pas une) repose sur une croyance simple et basique : les professionnels peuvent battre le marché. Il semble que ce postulat soit faux.
Depuis 50 ans, Ellis recommande la gestion indicielle aux investisseurs.
Dans son nouveau livre qui paraîtra début février 2025 (voir ci-dessous), Ellis identifie 6 changements importants ayant affecté les marchés financiers depuis les années 1960.
C’est l’excellent Robin Powell qui en parle dans son blog TEBI.
Les investisseurs institutionnels représentent la majeure partie des transactions, alors que les particuliers étaient largement majoritaires dans les années 1970.
Les marchés financiers sont bien plus complexes et interconnectés.
Les investisseurs institutionnels ont accès à des analyses de bien meilleure qualité.
Pour ces trois premières raisons, Ellis estime qu’il est devenu très difficile pour les investisseurs privés de rivaliser avec les professionnels. Pour autant, Ellis ne recommande pas aux particuliers de s’en remettre aux gérants actifs. La raison ? Trois changements qui expliquent la difficulté grandissante de ces gérants actifs à surperformer.
Le volume de transactions a explosé, ce qui a rendu les marchés plus efficients et réduit les fourchettes achat/vente sur les titres financiers.
Tous les investisseurs reçoivent simultanément toute nouvelle information alors que dans les années 1970 les investisseurs professionnels avaient un accès privilégié à l’information.
Tous les gérants actifs ont accès à la même technologie. Cette dernière n’est pas un élément de différenciation entre sociétés de gestion.
Selon Ellis1,
la concurrence entre investisseurs institutionnels a créé un processus darwinien de sélection et seuls les investisseurs institutionnels les plus compétents ont survécu. Il en résulte que le niveau de compétence de l’institutionnel moyen ne cesse de monter. L’excellence répond à l’excellence ce qui, ironiquement, la neutralise.
Si vous n’avez pas une méthode probante pour identifier à l’avance les gérants actifs surperformants, suivez le conseil d’Ellis et investissez dans des produits indiciels à bas coûts répliquant des indices très diversifiés.
The Times, They Are a-Changin’, c’est une chanson de Bob Dylan. Le voici, live en Angleterre en 1965.
De Charles Ellis, on pourra lire Winning the Loser's Game: Timeless Strategies for Successful Investing.
On pourra également lire The Index Revolution: Why Investors Should Join It Now.
Ou, sur Vanguard, Inside Vanguard - Leadership Secrets from the Company That Continues to Rewrite the Rules of the Investing Game.
Son dernier livre, Rethinking Investing - A Very Short Guide to Very Long-Term Investing, paraîtra le 4 février.
2035
La saison des prédictions a débuté le mois dernier et bat son plein. Ces prédictions sont délivrées dans des “Outlooks”, pavés généralement agrémentés de multiples infographies.
Au fil des ans, je suis arrivé à la conclusion que ces exercices de voyance étaient au mieux inutiles, au pire dangereux.
Dangereux s’ils conduisent l’investisseur à modifier la composition de son portefeuille.
Etant d’un naturel parfois masochiste, je m’inflige encore la lecture de certains outlooks.
C’est avec beaucoup de plaisir que j’ai lu l’outlook un peu particulier de Cliff Asness, le co-fondateur en 1998 d’AQR, une société de gestion quantitative états-unienne “au confluent de l’économie, de la finance comportementale, de la technologie et des données” (source).
Plutôt que de se hasarder à des prédictions, il s’est projeté en 2035 et a analysé la performance d’un hypothétique fonds de dotation depuis 10 ans du point de vue de son allocataire d’actifs.
Malin, non ?
L’exercice est douloureux :
Les marchés mondiaux ont été décevants et notre performance relative par rapport aux marchés mondiaux a été exécrable. Les périodes difficiles ne sont jamais plaisantes. Mais elles ont un avantage : on peut en apprendre beaucoup.
Actions Etats-Unis : ça n’a pas été une bonne idée d’investir en actions Etats-Unis à des ratios de valorisation ajustés2 de 30. Ce ratio est aujourd’hui de 20, ce qui reste supérieur à sa moyenne de long terme, et les actions Etats-Unis n’ont battu le taux sans risque que de 2 points de pourcentage par an sur la décennie, alors que les bénéfices ont continué de progresser.
Obligations : avec une inflation annuelle de 3 à 4% pendant la décennie, les obligations ont déçu, délivrant des performances nettes d’inflation inférieures à leur moyenne de long terme.
Actions hors Etats-Unis : alors que plus personne n’en voulait aux Etats-Unis, les actions internationales ont fait nettement mieux que les actions domestiques (5 à 6 points de pourcentage de plus par an que le taux sans risque). Même si les sociétés états-uniennes sont toujours bien meilleures que celles du reste du monde, on s’est aperçu qu’il y avait un prix auquel il était raisonnable d’investir en actions européennes, ce qui était nouveau. “Par chance, nous avions retiré les actions hors Etats-Unis de notre benchmark au début de 2025, et ce différentiel [de performance] n’a pas impacté notre performance relativement à notre benchmark durant cette pénible décennie, seulement, euh, n’est-ce pas, notre performance absolue.3”
Private equity : si la poche actions cotées a fait très mal pendant cette décennie, puisque les actions Etats-Unis, qui constituaient la totalité de la poche, ont sous-performé, nous attendions de notre allocation aux actifs privés (qui représentaient la moitié de notre allocation au plus haut) plus de protection contre la volatilité. “Hélas, tristement, et de façon totalement imprévisible, il se trouve que des actions achetées avec de la dette restent des actions, même si vous n’en donnez la valorisation qu’occasionnellement à vos investisseurs (et quand vous le faites, vous ne faites pas beaucoup varier les cours). C’est décevant, nous aurions toléré que le private equity se comporte comme des actions s’il avait surperformé les marchés cotés, mais il a sous-performé ! Il semble qu’après un certain temps — et un marché décevant sur 10 ans correspond à “après un certain temps” — même les actions non cotées doivent avoir un cours qui correspond à la réalité de marché. Nous n’avons vraiment pas vu venir cette sous-performance. Car enfin, les TRI du private equity pendant les 30 années précédentes ont été très supérieurs aux performances des actions cotées. Nous ne nous attendions vraiment pas, car enfin, qui aurait pu le prévoir ?, à ce que cette surperformance se retourne. Car y a-t-il une meilleure façon de prédire ce qui va se passer dans l’avenir que de regarder ce qui s’est produit dans le passé !?”
Un des thèmes récurrents chez Asness, c’est celui du “blanchiment de volatilité” (“volatility laundering”) auquel se livrent les acteurs des actifs privés. Blanchiment qui permet aux vendeurs de fonds investissant dans des actifs privés de vanter leur faible volatilité et leur grand potentiel de diversification, tous les deux fictifs.
A la fin de la journée, de nombreux gérants se sont fait un pognon de dingue pour délivrer des performanes inférieures à celles des actions pour un risque au moins aussi élevé que celui des actions, juste pour permettre aux allocataires d’actifs de se sentir en sécurité dans leur travail et de s’assurer que les autres pensaient qu’ils étaient en pointe en matière de placements. On parle d’un montant considérable, des centaines de milliards de dollars sur 10 ans au total, transféré de la collectivité des investisseurs vers la collectivité des gérants, simplement pour rendre la vie des allocataires d’actifs plus facile ! Parmi les personnes ayant pris cette décision d’allocation [en actifs non cotés], nombreux sont celles qui ne sont plus en activité, je suppose donc que ce blanchiment a marché pour certaines d’entre elles.
Tout cela alors que le grand cirque de la démocrrratisation bat son plein, notamment en France.
Crypto : évidemment, notre allocataire d’actifs a fini par succomber aux charmes irrésistibles du bitcoin quand le cours de celui-ci a dépassé 100 000 $. Le fonds de dotation a ajouté une allocation de 5% au bitcoin à son benchmark composite fin 2024 et n’a eu qu’à s’en féliciter quand le cours a grimpé jusqu’à 250 000 $, après des rumeurs de création d’un fonds stratégique en bitcoin aux Etats-Unis et un tweet d’Elon Musk. Mais attention, hein, ajouter le bitcoin à une allocation d’actifs stratégique, ce n’était pas pour spéculer vulgairement sur la poursuite de la hausse du cours, non, c’était pour s’exposer au potentiel de la technologie blockchain. On y croyait tellement qu’on a même doublé l’allocation au bitcoin, à 10% du portefeuille. En 2035, le cours du bitcoin est de 10 000 $.
Gestion active : la poche actions cotées du portefeuille du fonds de dotation a été confié à des gérants actifs. Asness rappelle que par construction, la gestion active ne peut pas collectivement battre les indices, ce qui n’empêche pas certains gérants actifs, sur certaines périodes, de surperformer. Mais notre allocataire a choisi les mauvais gérants actifs à partir de 2025 : ayant mis à la poubelle les gérants Value depuis longtemps, il s’est concentré sur des gérants qui “ont acheté les actions Etats-Unis chères, non profitables, volatiles, émettant régulièrement de nouvelles actions”.
Heureusement, les leçons de cette décennie manquée ont été apprises par notre allocataire :
Nous utilisons de nouveau un benchmark global pour notre poche actions et nous surpondérons le monde hors Etats-Unis. Plus jamais nous n’investirons en actifs non cotés, même s’ils ont désespérement besoin de capitaux et que les deals semblent très bon marché. Surtout, à partir de maintenant, nous investirons exclusivement dans des actions Value, même si l’écart de valorisation entre les actions Value et les actions chères est largement inférieur aux normes historiques.
On verra dans 10 ans si certains des pronostics d’Asness se sont réalisés.
J’en hasarde un : la pression du lobby des gérants spécialistes des actifs privés aux Etats-Unis pour rendre ses fonds éligibles aux produits individuels d’épargne retraite va réussir durant la seconde administration Trump.
Qui c’est les plus forts ?
Evidemment c’est les Verts ! (Clin d’oeil de début d’année à Gr.)
Aujourd’hui, les plus forts en gestion d’actifs, ce sont les sociétés états-uniennes. C’est ce que montrent Harriet Agnew et Brooke Masters du Financial Times.
Ci-dessus, l’évolution des encours des fonds domiciliés au Royaume-Uni (à gauche) et en Europe continentale (à droite). Pour 2024, les données sont arrêtées à fin septembre.
La part des gérants états-uniens ne fait que croître, notamment en raison de la popularité grandissante des véhicules indiciels dont les 3 plus gros fournisseurs mondiaux sont BlackRock, Vanguard et SSGA.
Pour les banques d’investissement, même tendance : la part des banques états-uniennes dans le chiffre d’affaires total croît, celle des banques européennes plonge (à gauche). Même en Europe, les acteurs locaux voient leur part de marché s’effriter.
Quand on analyse les capitalisations boursières des gérants d’actifs et les ratios de valorisation, l’avantage est également du côté des acteurs états-uniens, particulièrement des spécialistes des actifs non cotés (Blackstone et KKR).
En Europe, Amundi est le seul acteur présent à la fois sur la gestion active et la gestion indicielle, qui cherche par ailleurs également à se développer sur le segment du non coté.
Flexion, extension, contrition, rédemption
Avertissement : j'ai assisté entre novembre 2022 et avril 2023 l'Association Collectif Porteurs H2O dans le cadre d'une mission rémunérée (détails ici). A vous de déterminer si elle influe sur ma couverture de l'affaire H2O AM sur ce blog.
Dans la très hypocrite civilisation puritaine états-unienne, on a le droit de pécher, à condition de se repentir publiquement. Après un acte de contrition scripté par les spin doctors, on passe à la phase rédemption.
Lars Windhorst est allemand et semble passer du temps à Londres, centre de ses affaires, et Monaco, où il était domicilié aux dernières nouvelles.
Il s’est inspiré du scénario états-unien et a osé l’impensable : parler aux deux journalistes du Financial Times qui avaient déclenché en juin 2019 le H2Ogate — dont il est un des protagonistes —, dans un documentaire d’une trentaine de minutes.
Ce dernier a avantageusement remplacé — pour moi du moins — les sempiternelles rediffusions du Père Noël est une ordure pendant les fêtes.
Entendons-nous bien : Lars n’est ni le Père Noël, ni une ordure. C’est juste un spécialiste reconnu depuis des années des échecs entrepreneuriaux et de la fuite en avant : toujours séduire de nouveaux gogos pour financer ses entreprises et accessoirement son train de vie.
Les derniers gogos en date sont les dirigeants de H2O AM, qui ont déraisonnablement investi plus de 2 milliards d’euros de capitaux appartenant aux porteurs de parts de certains de leurs fonds en actions et en obligations de sociétés liées à Windhorst.
Il faut dire que Lars avait été fort généreux avec eux, comme l’avait montré l’effarant rapport publié par la FCA en août 2024 (il est ici et décrit par le menu les mensonges éhontés de la société de gestion).
Et les articles de Robert Smith et Cynthia O’Murchu, les deux journalistes du Financial Times auxquels Windhorst s’est donc confié (par exemple “The Ballad of Lars and Bruno”, Bruno étant Bruno Crastes, l’un des dirigeants de H2O AM, particulièrement gâté par Lars).
Lars, donc, a parlé. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est nettement moins convaincant dans l’exercice Contrition/Rédemption que les grands pécheurs états-uniens.
Que dit Lars ?
Qu’il s’excuse des pertes qu’il a occasionnées.
Qu'il remboursera les fonds cantonnés H2O avec les profits de ses nouvelles filiales, même s'il n'en a pas l'obligation légale.
Il faut dire que ses participations plus anciennes (les sociétés dont des fonds gérés par H2O AM ont acheté des obligations et/ou des actions) sont en bien mauvaise posture.
Tenez, les chantiers navals détenus par Tennor, Nobiskrug FSG, viennent d'être mis sous administration provisoire. Comme La Perla et Avatera Medical.
Quant à Wild Bunch, le distributeur allemand de films, il n'a pas publié de comptes depuis ceux de 2021. Les comptes de 2022 et 2023 ont d'abord été annoncés pour le 14/6/2024, puis le 19/7, puis le 6/9, puis le 15/10, puis le 19/12. Finalement, ce sera le 31 janvier 2025. Ou pas.
Vous pensiez que Lars ne pensait qu’à l’argent (des autres) ? Pas du tout :
My shortcoming has been that I've sometimes cared too little about money.
En fait, un de ses défauts, c’est même qu’il n’y pense pas assez !
Évidemment, H2O n'a pas souhaité apparaître dans ce documentaire de salut public et s'est contenté d'un communiqué qui apparaît à la fin.
Comme ils le disaient à une époque : Performance, liquidité et transparence. Surtout transparence.
Allez, amusez-vous.
Cynthia O’Murchu pose la vraie question, à laquelle elle admet ne pas avoir la réponse :
Where has the money gone?
Je ne résiste pas au plaisir de ce grand moment, qui m’a rappelé les immortelles paroles de Mario Draghi (“Whatever it takes”). C’est quand Bruno Crastes avait affirmé ceci (c’est à 19:55) :
We never gated, and we will never gate.
Never say never.
Et je termine avec le verbatim des propos de Windhorst à la fin du documentaire (italique ajouté par mes soins sur des propos qui m’intriguent).
It’s my strong desire to rectify any mistakes, to rectify losses created because of these mistakes. I feel sorry. The only thing I can do is, on the one hand, to repay and keep repaying H2O, which again since 2019, every single year, we have done. There will be opportunities in the future to repay people or to rectify losses. The game isn’t over. We’re maximum at halftime.
Windhorst prétend qu’il a remboursé H2O chaque année depuis 2019. Or, entre la création des fonds cantonnés en octobre 2020 et aujourd’hui, il n’y a eu que 2 remboursements des porteurs de parts de fonds cantonnés par H2O.
Windhorst ment-il ?
Je termine avec un autre exercice de contrition/rédemption, auquel s’est livré Neil Woodford.
Le Woodfordgate a des traits communs avec le H2Ogate : c’est une affaire d’illiquidité.
Dans les deux cas, la FCA et les mis en cause (Link Fund Solutions pour le Woodfordgate et H2O AM pour le H2Ogate) ont signé une transaction conduisant à l’indemnisation partielle des investisseurs lésés, pour des montant à peu près équivalents.
Pour le moment, la grande différence entre les deux scandales, c’est que Neil Woodford a émis de très vagues regrets là où H2O AM s’est mis aux abonnés absents.
Woodford s’est même surpassé dans un entretien filmé avec l’hôte du podcast Unscripted with Spencer Lodge, durant lequel “the man who can’t stop making money” a pleuré (à partir de 01:17:00).
Des nouvelles du #H2Ogate
Avertissement : j'ai assisté entre novembre 2022 et avril 2023 l'Association Collectif Porteurs H2O dans le cadre d'une mission rémunérée (détails ici). A vous de déterminer si elle influe sur ma couverture de l'affaire H2O AM sur ce blog.
A fin novembre 2024, H2O AM gérait pour 3,245 milliards d’euros dans les fonds mentionnés sur le site destiné aux résidents en France. La plupart des assureurs ont bloqué toute nouvelle souscription dans les fonds H2O référencés comme unités de compte dans leurs contrats d’assurance vie depuis la suspension des transactions ayant conduit à la création des fonds cantonnés en octobre 2020.
Le seul espoir de survie pour H2O, dont l’image a été irréparablement endommagée auprès des investisseurs institutionnels, c’est que les assureurs ouvrent de nouveau les vannes des souscriptions en assurance vie.
Au vu de la façon honteuse dont la plupart des assureurs ont communiqué sur l’offre de rachat inégalitaire et au rabais des fonds cantonnés par H2O, il est à craindre que ces mêmes assureurs considèrent que cette offre signe le retour de la société de gestion parmi les acteurs fréquentables et autorisent de nouveau les souscriptions au sein de leurs contrats.
Ce serait la conclusion malheureusement logique du naufrage intégral de la place financière française que représente le H2Ogate.
Décidément, les voies de l’AMF sont toujours aussi impénétrables.
Le régulateur a en effet eu la riche idée de cesser de mettre à jour le site fournissant les données sur les OPCVM sans avoir mis en ligne de nouvelle version.
Les dernières données disponibles sont en date du 21 mars 2024. Nous sommes le 6 janvier 2025.
Allô Houston, y a-t-il quelqu’un aux commandes ?
Je ne peux donc plus suivre la décollecte des fonds H2O AM. Pour les données de performance, je me fournis ailleurs que sur le site de l’AMF et peux donc les mettre à jour, mais elles n’ont aucune importance.
Depuis la scission des 7 fonds sinistrés de H2O AM, il est très difficile de reconstituer la performance des « vieux » fonds d’avant la scission.
Je me livre à l’exercice en calculant une valeur liquidative reconstituée, égale à la somme de la valeur liquidative des « nouveaux » fonds liquides (FCP à la fin du nom) et de la valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets.
Cette valeur liquidative reconstituée est une fiction, car aucune transaction n’est possible sur les side-pockets.
Mais elle permet de voir où en sont les porteurs de parts. Notamment par rapport au plus-haut historique atteint par les « vieux » fonds avant qu’ils ne heurtent des icebergs et fassent naufrage en février et mars 2020.
Autre limite de l’exercice : rien ne dit que les porteurs de parts récupèreront l’équivalent de la dernière valeur liquidative estimative des side-pockets. On ne le saura que quand toutes les participations illiquides auront été revendues au seul acheteur, Tennor, la holding de Lars Windhorst.
Ou plus exactement au fur et à mesure du remboursement par Tennor de la « first super senior secured note » (FSSSN) émise par Tennor, portant intérêt au taux annuel de 4,5% et prévoyant la possibilité de remboursements intermédiaires. Je rappelle (j’en avais parlé ici) que le remboursement total était initialement prévu début 2022. Les créanciers de Tennor, pour éviter la mise en liquidation de la société imposée par un tribunal néerlandais, ont consenti un délai supplémentaire de 6 mois (soit un remboursement début juillet 2022).
Je rappelle aussi que, comme de bien entendu, il n'y a eu aucun remboursement entre juillet et décembre 2022 de la part de Tennor.
Début janvier 2023, H2O AM a laissé entendre dans un communiqué sybillin que Tennor avait procédé fin 2022 à un premier remboursement partiel susceptible de permettre de diminuer le nominal de la FSSSN de 250 millions d'euros.
En fait de 250 millions, ce sont 143,752 millions qui ont été remboursés d'après mes calculs.
Par ailleurs, un porte-parole de Tennor avait déclaré début janvier au quotidien régional allemand Westfallen-Blatt que la holding de Lars Windhorst avait procédé en 2022 à plusieurs remboursements partiels de la FSSSN, dont un fin 2022 pour solde de tout compte.
Après avoir cessé pendant des mois de mettre à jour la valeur estimative mensuelle de side-pockets, bloquée à fin février 2023, H2O AM a dû se résoudre le 12 septembre 2023 à la baisser pour les 7 fonds.
Puis de nouveau en octobre pour les valeurs estimatives à fin septembre. Puis de nouveau en décembre pour les valeurs estimatives à fin novembre.
En janvier 2024, coup de théâtre : la valorisation estimative à fin décembre 2023 est en hausse.
H2O AM, généralement mutique, publiait le 26 janvier 2024 un communiqué de presse pour annoncer « un nouveau remboursement dans les prochaines semaines ».
Remboursement « de l’ordre de 70 millions d’euros ».
Puis nouveau coup de bambou sur les valorisations à fin janvier 2024, en baisse de 109 millions d'euros (voir ci-dessus), avant même que les 70 millions d'euros annoncés aient été remboursés aux porteurs de parts.
Les 20, 21 et 22 mars 2024 arrivait le remboursement annoncé : H2O AM avait retenu la leçon de sa désastreuse communication sur le premier remboursement et avait choisi d'annoncer un montant inférieur au montant réel, qui est de 85 millions d'euros (voir tableau ci-dessous).
Le 7 août 2024, après la publication du rapport accablant de la FCA (le régulateur britannique) détaillant les nombreux mensonges et manquements de H2O AM, la société de gestion indiquait qu’elle avait “sécurisé” 250 millions d’euros pour rembourser les porteurs de parts.
Sans respecter l’égalité de ces derniers, puisqu’il était indiqué que les porteurs qui “[renonceraient] à toute action contre le Groupe H2O AM et les tierces parties en relation à ces investissements et à leur gestion” bénéficieraient “d’un paiement accéléré et majoré “.
Les autres devront attendre jusqu’à six ans pour être remboursés partiellement.
Entre la valorisation initiale d’octobre 2020 et celle de fin novembre 2024, compte tenu des remboursements de janvier 2023 et mars 2024, la moins-value latente sur les 7 side-pockets est de près de 1 milliard 320 millions d’euros d’après mes calculs.
La valeur résiduelle des side-pockets à fin novembre 2024 est estimée à 92,9 millions d'euros.
Si H2O AM rembourse 250 millions d’euros et s'il n'y a pas d’autre remboursement, la perte totale pour les porteurs de parts de side-pockets pourrait donc être de 1 milliard 163 millions d'euros.
Le taux de recouvrement de la valorisation initiale des side-pockets serait de 29%.
C'est le casse du siècle.
Pour les fonds liquides, voilà où on en est au 2 janvier 2025 (date de la VL des fonds liquides dont le nom se termine par « FCP », la dernière valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets étant en date du 29 novembre 2024).
J'ai ajouté à la VL reconstituée le montant des distributions de janvier 2023 et de mars 2024.
En matière de décollecte, voilà où on en était au 21 mars 2024 (merci et bravo à l’AMF, voir ci-dessus).
En matière de performance, voilà où on en est au 2 janvier 2025.
Les produits dont il a été question dans ma semaine Twitter 1 peuvent être achetés en priorité chez votre libraire (pour les livres).
Sinon, si vous n’avez vraiment pas accès à un libraire, ou pour les livres en anglais, parfois plus difficiles à se procurer en librairie en France, vous pouvez cliquer sur les liens disséminés dans ce billet (informations sur le programme d’affiliation Amazon ici).
Vous pouvez suivre le compte Twitter d’Alpha Beta Blog ici et mon compte en anglais là.
Je ne suis pas habilité à donner des conseils sur les produits de placement : ne me sollicitez pas pour cela car je ne vous répondrai pas.
Si vous avez des questions, consultez un conseiller en investissement financier. Un conseiller en investissement financier, c’est quelqu’un que vous payez pour qu’il.elle vous donne des conseils. Dans le jargon de MIF 2, seul le conseiller exclusivement payé par ses clients peut se déclarer indépendant.
Quelqu’un qui est payé par les fournisseurs de produits pour vous vendre lesdits produits, c’est un vendeur, pas un conseiller.
Comment trouver un conseiller en investissements financiers (CIF) indépendant au sens de MIF 2 ? C'est à peu près mission impossible : le site de l'ORIAS, qui est l'organisme auprès duquel s'enregistrent les CIF, ne permet pas de rechercher selon les critères "indépendant" ou "non-indépendant". Pas plus que ne le permettent les sites des 4 associations de CIF agréées par l'AMF.
C'est affligeant et scandaleux.
La charte éditoriale d’Alpha Beta Blog est consultable ici.
C’était ma semaine Twitter 1 de 2025. Sayōnara. さようなら.
Ma traduction.
Asness utilise le Cyclically Adjusted Price to Earnings Ratio, conçu par Robert Shiller.
Asness se moque ici des tripatouillages de benchmark auxquels se livrent périodiquement certains investisseurs institutionnels, dont les fonds de dotation, pour améliorer fictivement leur performance relative.
Et un GRAND MERCI pour le 45t des Verts qui tourne en boucle désormais sur ma platine.
Evidemment qui c'est les plus forts ?
Sauf erreur de ma part mais un PEA même exposé en terme de risques, aux actions internationales hors zone euro, contient bien à son actifs des actions de la zone euro (sinon bien entendu il ne serait pas éligible au PEA). L'exposition au risque hors zone euro se fait à travers une opération hors bilan via un swap. Mais je le répète le fonds indiciel concerné investit bien à l'actif dans des actions de la zone euro.