Heureux comme un investisseur en fonds aux Etats-Unis
Grâce à Vanguard, les investisseurs n'ont jamais payé aussi peu pour la gestion des fonds
Au royaume des rétrocessions, il ne faut jamais parler des frais des produits de placement. Forcément : personne n’a intérêt à ce qu’ils baissent. Sauf les investisseurs.
Il convient de n’en point parler pour ne pas avoir à expliquer que les frais de gestion financière embarquent également des frais rémunérant une prestation qui n’a rien à voir avec la gestion : la vente du produit financier.
Les régulateurs en Europe ont fini par comprendre cette vérité première : les frais des produits de placement viennent en déduction de la performance. Ils s’y intéressent donc de plus en plus dans des rapports souvent intéressants mais parcellaires.
Parcellaires parce que l’Europe est constituée de pays et qu’il est difficile d’avoir une vue précise des pratiques nationales en raison de la distribution transfrontalière des fonds.
Aux Etats-Unis, pays où les rétrocessions et les commissions sont toujours autorisées, cela fait des années que l’ICI (l’homologue de l’AFG, à savoir l’association regroupant les gérants d’actifs) et Morningstar publient des analyses très détaillées sur les frais des fonds.
Morningstar vient de publier son rapport annuel sur les frais des fonds en 2023.
Si je dois le résumer : « Heureux comme un investisseur en fonds aux Etats-Unis ».
Les frais moyens pondérés des encours se sont élevés à 0,36% : 0,59% pour les fonds gérés activement et 0,11% pour les fonds indiciels.
La baisse continue depuis des années, mais à un rythme plus lent. Il faut dire que le leader des frais bas, Vanguard, ne peut plus beaucoup baisser ses propres frais, qui étaient de 0,08% en 2023.
Je rappelle que Vanguard, le 2è plus gros gérant d’actifs au monde en termes d’encours après BlackRock, est un gérant indiciel mais aussi un important gérant actif.
Ses 50 millions de clients sont également co-propriétaires en raison de la structure de type mutualiste de la société créée par Jack Bogle en 1975.
SSGA (qui gère la marque d’ETF SPDR) suit Vanguard avec des frais pondérés des encours de 0,14%, devant iShares (0,16%) et Dimensional Fund Advisors (0,24%).
Morningstar a analysé l’évolution du marché du conseil et son impact sur l’évolution des frais en distinguant 3 modèles : « unbundled » (les frais de gestion des produits ne rémunèrent que la gestion financière, sans rétrocession), « semibundled » (les frais de gestion n’incluent pas de frais de commercialisation mais il peut exister un partage de certains revenus avec le distributeur), « bundled » (c’est le modèle traditionnel, dans lequel il existe des frais de souscription et une partie des frais de gestion est rétrocédée au distributeur).
« Unbundled », ce seraient les « clean shares »1 et les ETF en France, et « bundled », c’est tout le reste.
Depuis 2010, les fonds « bundled » ont systématiquement enregistré des décollectes annuelles, là où les fonds « semibundled » et « unbundled » ont presque tout le temps enregistré des flux annuels nets positifs.
Pour Morningstar, cette tendance reflète la transition d’un modèle de conseil transactionnel, à base de produits à commissions et à rétrocessions, vers un modèle d’honoraires.
Conséquence : les clients finaux investissent dans des produits bien moins chargés et doivent bien entendu payer directement leur conseiller financier de façon explicite.
Les fonds à rétrocessions (« bundled ») représentaient 42% des actifs totaux en 2005 et seulement 13% à la fin de 2023.
Sans surprise, les frais moyens pondérés des encours des fonds à rétrocessions ont faiblement baissé en 30 ans là où ceux des deux autres catégories ont régulièrement baissé et sont très inférieurs (environ 0,8% pour les « bundled », 0,4% pour les « semibundled » et 0,15% pour les « unbundled »).
Je résume : dans un pays où les deux modes de rémunération de la vente (par rétrocessions) et du conseil (par honoraires) coexistent, les clients ont voté avec leur portefeuille en faveur de produits sans rétrocession.
Pour le plus grand bénéfice de tous.
Cette chronique, rédigée le 16 juillet 2024, est parue initialement dans le numéro de septembre 2024 de Gestion de Fortune, sans les illustrations, les notes de bas de pages, ni les liens.
Ces “clean shares” n’intégrent pas de rétrocessions à leurs frais de gestion.