SPIVA 2020 : Etats-Unis, Canada, Australie
L’étude SPIVA de Standard & Poor’s Dow Jones Indices (ci-après S&P DJ) compare depuis 2002 les fonds gérés activement regroupés par grandes catégories avec un indice S&P DJ représentatif. Cet indice n’est pas nécessairement celui de chaque fonds.
SPIVA est l’acronyme de S&P Indices vs Active, à savoir indices S&P contre gestion active.
SPIVA calcule le pourcentage des fonds de l’univers de départ[efn_note]En tenant compte de tous les fonds existant au début de la période, SPIVA neutralise le biais du survivant. Quand on mesure le taux de succès ou d'insuccès par rapport à l'univers d'arrivée, on ne tient pas compte des fonds qui ont disparu alors qu'ils étaient disponibles pour les investisseurs au début de la période. Dans la quasi totalité des cas, ces fonds disparus étaient sous-performants, c'est d'ailleurs pour cela que la société de gestion les a faits disparaître.[/efn_note] ayant été battus par l’indice de référence affecté à la catégorie sur 1, 3, 5 et 10 ans. Les performances sont pondérées des encours pour refléter l'expérience collective des investisseurs. SPIVA utilise également la moyenne arithmétique des performances.
Dans ce post, j'utilise les données de performance pondérées des encours.
Je rappelle que la performance d’un indice ne comporte aucun frais, elle n’est donc pas atteignable pour les investisseurs. On peut chercher à la répliquer en investissant dans un véhicule indiciel (ETF ou fonds traditionnel), qui facturera des frais venant en déduction de la performance délivrée à l’investisseur.
L’étude SPIVA arrêtée au 31 décembre 2020 vient d’être publiée pour les fonds domiciliés aux Etats-Unis, au Canada et en Australie, pays ayant une forte tradition d'investissement en actifs risqués via des titres en direct ou des fonds.
Si je devais en résumer les résultats par un épouvantable jeu de mots, ce serait ainsi :
– Comment SPIVA la gestion active ?
– SPIVA pas fort. Un peu comme le chevalier noir dans Monty Python : Sacré Graal !
Si vous trouvez mon jeu de mots affligeant, rassurez-vous : moi aussi. Mais il est vrai que collectivement, la gestion active échoue magistralement.
Fonds domiciliés aux Etats-Unis ??
Selon la durée (de 1 à 20 ans), SPIVA analyse plus de 2000 fonds actions Etats-Unis (dont immobilier), entre 119 et 240 fonds actions monde, entre 263 et 394 fonds actions internationales hors Etats-Unis, entre 26 et 88 fonds actions internationales petites capi, entre 77 et 234 fonds actions marchés émergents.
Selon les durées et les catégories obligataires, SPIVA analyse entre 12 et 245 fonds.
Fonds actions Etats-Unis
La convention pour catégoriser les fonds suit les 9 cases de la Style Box de Morninstar. S&P DJ Indices ajoute la catégorie des fonds investissant dans les foncières cotées (les REITs).
C'est la Bérézina pour à peu près toutes les catégories et sur toutes durées.
Dans la catégorie phare, celle des actions grandes capi, même sur un an la gestion active échoue collectivement. L'échec s'aggrave avec le temps : 83,22% des fonds actions Etats-Unis grandes capi sous-performent l'indice S&P 500 sur 10 ans, et 86% sur 20 ans.
Fonds actions hors Etats-Unis
Ca ne s'améliore pas pour les catégories actions hors Etats-Unis, y compris pour les fonds petites capi et les fonds marchés émergents, réputés moins efficients, donc plus favorables aux gérants actifs.
Fonds obligataires
L'obligataire est également réputé plus propice à la gestion active en raison des techniques de construction des indices, qui donnent un poids plus important aux émetteurs les plus endettés, donc en théorie plus risqués.
Ca n'est pas flagrant quand on regarde les résultats : la messe semble dite dans les catégories Obligations d'Etat US, marché qui semble trop efficient pour permettre aux gérants actifs de briller.
La gestion active échoue collectivement pour les obligations à haut rendement et les obligations des marchés émergents.
IG signifie Investment Grade, à savoir Qualité d'investissement (ces indices excluent les émetteurs moins bien notés, catégorisés en Haut Rendement).
Les résultats complets de SPIVA à fin 2020 pour les fonds domiciliés aux Etats-Unis sont ici.
Fonds domiciliés au Canada ??
SPIVA n'a que 10 ans d'historique pour les fonds domiciliés au Canada et utilise les catégories du Canadian Investment Funds Standards Committee.
Selon les durées et les catégories, SPIVA analyse entre 27 et 178 fonds.
Dès 3 ans, et parfois sur 1 an, les résultats collectifs de la gestion active sont mauvais, voire catastrophiques : sur 10 ans, 84,29% des fonds actions Canada gérés activement ont sous-performé l'indice affecté par S&P DJ Indices ; pour les fonds actions Etats-Unis, ce pourcentage monte à 95,15%.
Les investisseurs canadiens sont particulièrement mal lotis par rapport à leurs voisins au sud : les frais de gestion des fonds gérés activement sont très élevés et la gestion indicielle relativement peu développée.
Les résultats complets de SPIVA à fin 2020 pour les fonds domiciliés au Canada sont ici.
Fonds domiciliés en Australie ??
SPIVA a 15 ans d'historique des fonds domiciliés en Australie et utilise deux approches pour comparer fonds gérés activement et indices : performance et performance ajustée du risque.
897 fonds actions Australie, 475 fonds actions internationales et 112 fonds obligataires Australie ont été analysés.
Les résultats sont collectivement désastreux pour la gestion active.
Performance
C'est très mauvais dès 3 ans, et parfois dès un an. C'est un peu moins mauvais pour les actions Australie petites et moyennes capi.
Performance ajustée du risque
Même constat quand on utilise la performance ajustée du risque. Les écarts avec le précédent classement (performance seule) sont minimes et les résultats de la gestion active collectivement désastreux.
Les résultats complets de SPIVA à fin 2020 pour les fonds domiciliés en Australie sont ici.
Il y a des gérants actifs surperformants. Il y en a toujours eu, il y en aura toujours. Par construction. Mais le gérant surperformant ne l'est pas tout le temps. En d'autres termes, les gérants surperformants ne sont pas toujours les mêmes.
Sauf à avoir le talent rare de savoir les identifier à l'avance, l'investisseur non professionnel aura tout intérêt à s'exposer au marché via un véhicule indiciel à bas coûts, surtout s'il investit dans une enveloppe comportant une couche de frais supplémentaire.
Illustration : scène de Monty Python : Sacré Graal ! de Terry Gilliam et Terry Jones