Ma Semaine Twitter 37 de 2019
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Chris Burden (1946-2015) était un artiste, acteur et sculpteur américain. Sa spectaculaire installation Metropolis II (2011) se trouve dans une grande salle du LACMA (le Los Angeles County Museum of Art) : 1100 voitures, 8 autoroutes traversent en continu une gigantesque structure urbaine.
En m'ébaudissant devant cette installation le week-end dernier, j'ai eu une révélation.
Je venais d'apprendre que les encours de la gestion indicielle avaient pour la première fois dépassé ceux de la gestion active pour la catégorie reine, celle des actions Etats-Unis.
Et je me demandais quel storytelling allait bien pouvoir se mettre en place pour accompagner la triomphante marche en avant de la gestion indicielle. Puisque tout est storytelling.
Comme je l'écrivais la semaine dernière, l'une des planches de salut de la gestion actions active, ce sont les fonds thématiques : Energies Renouvelables ! Robotisation ! Millennials !
Bien entendu, il existe des ETF répliquant des indices thématiques. On peut donc également sauter comme un cabri en glapissant : Indice Energies Renouvelables ! Indice Robotisation ! Indice Millennials !
Mais c'est à mon avis du mauvais indiciel, comme il y a du mauvais cholestérol.
Le bon indiciel, c'est celui qui réplique des indices très diversifiés sectoriellement et géographiquement : pour les actions, le MSCI ACWI par exemple.
Mais quelle histoire raconter sur ce bon indiciel sans vendre son âme au diable du storytelling ?
Eureka, merci Chris Burden : avec un fonds indiciel peu cher répliquant un indice très diversifié, vous vous exposez tout simplement à la méga-tendance la plus généraliste qui soit, celle de l'urbanisation du monde.
Cette urbanisation affecte absolument tous les secteurs d'activité. Tous.
Pas besoin de faire de pari risqué sur une tendance en particulier, il suffit de s'exposer à toutes ces tendances.
Urbanisation !
Allez, je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous la campagne de publicité de Gemini, une plateforme de trading de cryptomonnaies créée aux Etats-Unis par les très médiatiques jumeaux Tyler et Cameron Winklevoss. La semaine dernière à Los Angeles, il était impossible d'y échapper.
Crypto without Chaos! Fallait oser.
Ah, et quand on veut interdire les trottinettes électriques sur les trottoirs, c'est facile.
Le week-end prochain, urbanisation galopante ou pas, je retourne dans mon potager du Vexin.
Bienvenue dans ma semaine Twitter 37 de 2019.
Des nouvelles de Neil
Neil Woodford, c'est la star déchue de la gestion actions de conviction au Royaume-Uni. J'avais parlé ici (L'affaire Woodford) du "gating" de son fonds phare, gating depuis prolongé, vraisemblablement au moins jusqu'à la fin de l'année.
Pendant le gating, la valorisation des fonds n'est bien entendu pas suspendue. Et les encours des fonds fondent comme neige au soleil[efn_note]Oui, je sais, c'est exécrable, j'ai honte de moi.[/efn_note].
C'est ce que montre l'infographie ci-dessous, tirée d'un article de Lucy White paru sur le site This is Money du Daily Mail pour "célébrer" le 100ème jour de gating.
La roche Tarpéienne (saxum Tarpeium ou rupes Tarpeia), c'est une hauteur de Rome (proche du Capitole) d'où étaient précipités les criminels condamnés à mort.
https://twitter.com/AlphaBetaBlogFR/status/1171694868214816768
Woodford Equity Income Fund était le fonds phare de la société. A son zénith, en mai 2017, ses encours s'élevaient à 10,7 milliards de £ (environ 12 milliards d'€ au taux de change d'aujourd'hui) ; au moment de la suspension des transactions, le fonds ne pesait plus que 3,7 milliards de £ (soit environ 4,12 milliards d'€) ; et 100 jours après la suspension, ses encours s'élevaient à 3,1 milliards de £.
Soit une baisse de 71% par rapport au plus haut, et de 16% depuis le gating.
Pour l'autre fonds traditionnel, pour lequel les transactions n'ont pas été suspendues, Woodford Income Focus, même punition : s'il a toujours été beaucoup plus petit que Equity Income, il a enregistré une baisse d'encours de 65% entre son plus haut historique en octobre 2017 et aujourd'hui.
Le troisième véhicule, Woodford Patient Capital Trust, est un fonds fermé coté en bourse. Sa valorisation dépend donc de l'offre et de la demande. Entre son cours le plus haut en 2015 et aujourd'hui, la baisse a été de 63%.
La vie d'une star contrariante de la gestion active actions est parfois bien difficile.
Ils sont (pas) bons, les fonds de ma Buy List
Depuis le début de l'affaire Woodford, un supermarché de fonds est sur la sellette au Royaume-Uni : Hargreaves Lansdown.
Cette société cotée extrêmement profitable[efn_note]63% de marge d'exploitation pour l'exercice cloturé au 30 juin 2019. Enfoncé BlackRock, pulvérisé LVMH. Marge nette après impôts : 51,5%. Détails ici.[/efn_note] a indéfectiblement soutenu Neil Woodford, dont le fonds-phare a fait partie de la Best Buy List, Wealth 50, jusqu'à la suspension des transactions.
Le Financial Times a demandé à Fundscape, une société spécialisée dans l'analyse des fonds, d'analyser la performance des Buy Lists de 3 grands distributeurs : Hargreaves Lansdown, Bestinvest et Charles Stanley.
https://twitter.com/AlphaBetaBlogFR/status/1171030493762113542
Fundscape s'est intéressé à la performance sur 3 ans des fonds présents dans les Buy Lists en juin 2016 dans 2 catégories : Actions Royaume-Uni et Actions Europe hors Royaume-Uni.
Résultat : sans surprise, la plupart des fonds de ces listes ont fait moins bien que les fonds indiciels Vanguard représentatifs de la catégorie (Vanguard UK All-Share Index et Vanguard FTSE Developed Europe ex UK Equity Index).
Eu égard à l'influence de ces Buy Lists sur la collecte des fonds, il est essentiel de comprendre comment elles sont constituées.
Voici les critères pris en compte par Hargreaves Lansdown (dans ma traduction) :
Une carrière d'exception - nous analysons l'intégralité de la carrière du gérant, dont nous connaissons ainsi les atouts.
Un historique de performance fantastique - un gérant de fonds doit avoir un historique de bonnes performances dans différentes configurations de marché.
Un process de gestion robuste - nous rencontrons les gérants plusieurs fois pour bien comprendre comment ils investissent, et une fois qu'ils sont sur la liste, nous les revoyons au moins une fois par an.
Quant aux rétrocessions des sociétés de gestion dont les fonds sont sélectionnés par Hargreaves Lansdown, elles n'entrent jamais en ligne de compte. Jamais. Ja-mais.
Nous regardons seulement le potentiel de performance.
J'imagine qu'il en est de même pour les listes de fonds partenaires des grands distributeurs en ligne français, Boursorama et Fortuneo[efn_note]Voici ce qu'écrit Fortuneo sur son site : "Chaque année, Fortuneo sélectionne une dizaine de fonds tous éligibles à l’assurance-vie, investis dans les principales catégories d’investissement et rigoureusement sélectionnés pour la qualité de leur gestion et la régularité de leur performance."[/efn_note].
Le jour où la terre s'arrêta
The Day the Earth Stood Still est un film de science-fiction de Robert Wise (1914-2015), sorti en 1951.
On pourrait rêver à une lointaine sequel qui pourrait s'appeler Le jour où la gestion active a mis le genou à terre.
Ce jour-là, c'était un jour d'août 2019. Dans des années, vous pourrez dire à vos petits-enfants : "j'y étais".
C'est ce "renversement épique" ("epic shift", les responsables des titres des articles de Bloomberg sont décidément des artistes[efn_note]Le titre du papier est End of Era: Passive Equities Funds Surpass Active in Epic Shift).[/efn_note]) que nous narre John Gittelsohn de l'agence Bloomberg, en s'appuyant sur les données mensuelles de collecte de Morningstar pour les fonds domiciliés aux Etats-Unis.
https://twitter.com/AlphaBetaBlogFR/status/1172449844910182401
A fin août, dans la catégorie de loin la plus importante en termes d'encours, celle des fonds actions Etats-Unis, la gestion indicielle (Passive stock funds en bleu ciel dans l'infographie) est pour la première fois passée devant la gestion active (Active stock funds en noir dans l'infographie) : 4271 milliards de $ contre 4246 milliards de $.
Il a fallu un peu plus de 40 ans à la gestion indicielle pour détrôner la gestion active pour les actions Etats-Unis.
C'est en effet en 1976 que Vanguard, société créée en 1975, a lancé le premier fonds indiciel.
Le premier ETF fut lancé en 1993 et cette nouvelle enveloppe contribua à la popularité de la gestion indicielle.
L'éclatement de la bulle internet, qui débuta en 2000[efn_note]L'indice NASDAQ 100 perdit 78% de sa valeur entre le 10 mars 2000 et le 9 octobre 2004.[/efn_note] et surtout la grande crise financière de 2008 accélérèrent la grande migration des investisseurs de la gestion active vers la gestion indicielle.
Mais qu'il aura fallu du temps aux investisseurs pour accepter ce que la recherche universitaire avait depuis longtemps établi :
En moyenne, la gestion active fait moins bien que le marché, à hauteur de ses frais.
Sur courte période, il y a toujours des gérants actifs qui surperforment, mais ce sont rarement les mêmes. En outre, plus la période s'allonge, moins les gérants surperformants sont nombreux.
Aucune donnée passée ne permet de prédire la bonne performance future, et surtout pas la performance passée.
Le meilleur prédicteur de la performance future, ce sont les frais : moins ils sont élevés, plus la performance future sera élevée.
Pour que la gestion active se batte à armes moins inégales, il faudrait qu'elle baisse considérablement des frais en moyenne beaucoup trop élevés par rapport à ceux de la gestion indicielle.
Chiche ?
Si vous avez manqué le début de l'histoire indicielle et que le sujet vous titille, quelques suggestions de lecture pour un rattrapage accéléré.
Winning the Loser's Game: Timeless Strategies for Successful Investing de Charles D. Ellis.
The Index Revolution: Why Investors Should Join It Now du même Charles D. Ellis.
The Little Book of Common Sense Investing du regretté Jack Bogle (1929-2019).
Le livre de Bogle est également disponible en français : Le petit livre pour investir avec bon sens.
Amazonisation ?
Non seulement la gestion active doit faire face à la gestion indicielle à bas coûts, mais elle risque également, comme tout le secteur des services financiers, d'être... Amazonisée ? Amazonifiée ? Amazombifiée ?
C'est en tout cas ce que prédit un rapport de PwC Luxembourg et Luxembourg for Finance, l'agence de développement de la place financière luxembourgeoise, consacré à l'avenir du secteur des services financiers en Europe.
https://twitter.com/AlphaBetaBlogFR/status/1171785466502234112
3 grandes tendances de fond sont décrites dans ce rapport :
L'amazonisation (voir ci-dessous).
La "mainstreamisation" de la finance durable : rien à dire, ça semble être une évidence.
La multipolarisation : avant le Brexit, le pôle européen dominant en matière de services financiers était Londres. Demain, Francfort, Paris, Amsterdam, Luxembourg et Dublin feront concurrence à Londres.
L'amazonisation, c'est le transfert du pouvoir au consommateur qui fera son shopping en matière de services financiers sur des plateformes transparentes permettant de comparer les prix. Ces plateformes seront indépendantes des fournisseurs de produits ou bien seront filiales de fournisseurs de produits et donneront accès aux produits de leur actionnaire ainsi qu'à des produits tiers.
Les millennials vont bien entendu accélérer le développement des plateformes. Comme ils (les millennials) ont moins confiance dans les entreprises que leurs aînés, ils s'appuieront sur les recommandations de leurs pairs. Chaque produit sera évalué en fonction d'indicateurs clés de performance (les célèbres KPIs) et les produits offrant le meilleur rapport qualité-prix en fonction de ces indicateurs seront en tête de liste.
Ces plateformes utiliseront l'intelligence artificielle (pardon, l'A.I.) et le traitement des données (pardon, le Big Data) pour proposer les bons produits au client. Ce dernier n'aura plus qu'à confirmer son choix.
Ben voyons.
Je n'ai jamais été un grand fan des rapports des cabinets de conseil, et ce n'est pas la lecture de ce rapport qui va me faire changer d'avis : il enfonce des portes ouvertes et établit des scénarios improbables dans la merveilleuse novlangue des consultants.
7 nuances d'ESG
Enterprising Investor est un excellent blog de CFA Institute[efn_note]J'en recommande un autre, moins connu mais tout aussi remarquable : Market Integrity, accessible ici.[/efn_note].
Thomas Brigandi, CFA, Paul Kovarsky et Paul McCaffrey ont établi la liste des 7 approches possibles en matière d'ESG pour les grands détenteurs d'actifs (les asset owners dans le sabir financier anglophone) que sont par exemple les fonds de pension[efn_note]Dans un post de février 2018, The Seven Kinds of Asset Owner Institutions, Paul Kovarsky et Sloane Ortel avaient établi la liste des 7 familles d'asset owners.[/efn_note].
Ces institutions contrôlent des actifs dont le montant total est supérieur à 85000 milliards de $.
https://twitter.com/AlphaBetaBlogFR/status/1171453283078041600
Exclusion : Norges Bank Investment Management, le fonds souverain norvégien, a ainsi exclu de son univers d'investissement le secteur du tabac, suite à une décision du parlement norvégien.
Changement climatique
Diversité et inclusion
Approche indicielle : les fonds indiciels ESG existent depuis 2000, année de lancement du fonds Vanguard Social Index Fund[efn_note]Frais de gestion de la part institutionnelle : 0,12%. Actifs totaux du fonds au 14 septembre 2019 : 6,2 milliards de $. Taux de rotation du portefeuille : 8%.[/efn_note].
Cadres (Frameworks) et normes (standards) : les auteurs citent le One Planet Framework[efn_note]Un document de présentation peut être téléchargé ici.[/efn_note] mis en place par plusieurs fonds de pension pour "intégrer la notion de risques liés aux changements climatiques et investir dans une transition énergétique progressive, menant graduellement à une économie plus durable et moins polluante." Ainsi que la participation active de nombreux et importants asset owners aux travaux du Sustainability Accounting Standards Board[efn_note]Cet organisme fondé en 2011 élabore et diffuse des normes de comptabilité pour le développement durable. La dernière version des normes pour 11 secteurs d'activité est accessible ici.[/efn_note].
Engagement actionnarial (Active ownership) : le dialogue des asset owners avec les directions et les conseils d'administration est un levier important pour modifier le comportement des sociétés cotées. L'organisme The PRI (Principles for Responsible Investment)[efn_note]Cet organisme indépendant est soutenu par l'Organisation des Nations Unies.[/efn_note] a rédigé un excellent guide (A practical guide to active ownership in listed equity) téléchargeable ici.
Intégration : selon un guide publié par PRI et CFA Institute[efn_note]Guidance and Case Studies for ESG Integration est téléchargeable ici.[/efn_note], il s'agit de "l'inclusion systématique et explicite de facteurs ESG dans le processus d'investissement
Lors des ruées vers l'or, ce sont surtout les vendeurs de pelles et de pioches qui s'enrichiss(ai)ent. Une de mes théories sur la ruée vers l'or de l'ESG, c'est qu'à la fin, ce sont surtout les grands fournisseurs d'indices qui gagneront.
Illustration avec le rachat par MSCI via sa filiale MSCI Barra Suisse de Carbon Delta, une société spécialiste de l'analyse des scénarios en matière de changement climatique, créée en 2015.
https://twitter.com/AlphaBetaBlogFR/status/1171332480034435074
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