Ma semaine Twitter #35 de 2017
Décidément, l'actuel Président des Etats-Unis ne semble pas avoir compris qu'il avait été élu et qu'une certaine dignité devait accompagner l'exercice de sa fonction. Peter Brook l'a habillé pour l'hiver dans The Times.
https://twitter.com/thetimes/status/902777911853375488
Sooooo many fans pour la gestion passive aussi. Sa croissance continue inquiète de plus en plus et l'on verra ci-dessous que certains prédisent une apocalypse indicielle qui signerait la mort du capitalisme. Je crains personnellement plus la confrontation entre deux présidents instables.
En bonus de rentrée, ce film de propagande des années 1950, de nouveau d'actualité.
Bienvenue à toutes et à tous dans ma semaine Twitter 35 de 2017, bonne rentrée des classes et joyeuse apocalypse si elle advient avant la semaine prochaine.
Très rare alpha
Index Fund Advisors (IFA) est un conseiller en investissements financiers (registered investment advisor) californien distribuant exclusivement des fonds DFA. DFA (Dimensional Fund Advisors) est un des pionniers de la gestion factorielle aux Etats-Unis et gère plus de 500 milliards de $ dans des stratégies indicielles.
IFA a récemment publié sur son blog les résultats d'une analyse de l'alpha des gérants actions Etats-Unis actifs.
https://twitter.com/AlphaBetaBlogFR/status/903622224996958209
L'alpha peut se calculer de différentes façons : la plus simple est de faire la différence entre la performance du fonds et celle de son indice de référence. Si un fonds actions France a une performance nette de 6,34% quand celle de l'indice CAC 40 est de 6%, l'alpha du fonds est de 0,34%.
Simple, mais très insuffisante. Que se passe-t-il si le portefeuille du gérant contient avant tout des petites valeurs, non présentes dans l'indice CAC 40 ? Son alpha ne provient peut-être pas tant de son talent de stock picker que de son choix de surpondérer les petites valeurs.
Il convient donc de calculer cet alpha en tenant compte de différents facteurs (les fameux facteurs du smart beta, théorisés par Fama et French). IFA utilise le modèle Fama French à 3 facteurs (marché, taille, valorisation) pour un univers de 393 fonds actions Etats-Unis gérés activement ayant au moins 20 ans d'historique au 31 décembre 2016.
Une fois l'alpha calculé, il est essentiel de mesurer statistiquement s'il est le fruit de la chance ou pas. Sans entrer dans les détails, la donnée statistique utilisée ("t-statistic") doit avoir une valeur supérieure à 2 pour que la probabilité que l'alpha positif soit dû à la chance soit inférieure à 5% (en statistique, on ne peut avoir aucune certitude absolue).
La méthodologie utilisée par IFA est donc très robuste, et les résultats ne sont pas brillants : selon la catégorie, entre 0,9% et 4,8% des fonds analysés ont un alpha positif qui n'est pas dû à la chance.
Les pourcentages sont plus bas pour les grandes capitalisations que pour les petites et les moyennes.
En moyenne, si vous aviez choisi en début de période au hasard parmi les 393 fonds, vous auriez eu 0,5% de probabilité de tomber sur un fonds ayant un alpha positif (vraisemblablement) dû au talent du gérant.
Je vous rappelle que la probabilité de tomber sur face quand on jette une pièce en l'air est de 50%.
L'apocalypse indicielle, c'est pour demain
Stephen Gandel est chroniqueur pour Bloomberg Gadfly.
Gandel a produit récemment deux articles défendant la thèse selon laquelle la gestion indicielle est mauvaise pour l'économie. Le premier est ici, le second est accessible via le lien dans le tweet ci-dessous.
https://twitter.com/AlphaBetaBlogFR/status/902526689686802432
https://twitter.com/AlphaBetaBlogFR/status/902526689686802432
Un journaliste recherche souvent à utiliser une expression très spectaculaire afin qu'elle soit reprise. Le spectaculaire n'est pas toujours compatible avec le sérieux, qu'on en juge avec ce qu'écrit Gandel :
La vélocité de la marche vers une dystopie suscitée par les indices semble augmenter. (The velocity toward index-driven dystopia appears to be increasing.)
Ca ne veut pas dire grand chose, en revanche l'emploi de "dystopie", un terme très à la mode, est révélateur d'une volonté de frapper les esprits. Voici la définition qu'en donne le Larousse :
Société imaginaire régie par un pouvoir totalitaire ou une idéologie néfaste, telle que la conçoit un auteur donné.
Diantre, c'est le retour de la thèse sur la gestion indicielle comme réincarnation (en pire) du marxisme.
Voici la liste des différents arguments contre la gestion indicielle compilés par Gandel.
La gestion indicielle accentue les inégalités en matière de revenus. Selon une étude, plus les fonds indiciels sont présents dans le capital d'une société cotée, mieux les dirigeants de cette société sont payés. De plus, la majeure partie de la rémunération supplémentaire revient au PDG. Là où le ratio entre le salaire des PDG et celui de l'employé moyen est de 271, le jour où les fonds indiciels domineront, ce ratio pourrait passer à 338. Insoumis de tous les pays, manifestez contre la gestion indicielle qui accentue les inégalités.
La gestion indicielle réduit la concurrence. Avec la montée en puissance des grands gérants d'actifs (BlackRock, Vanguard et State Street Global Advisors, qui sont les trois plus grands gérants indiciels), les sociétés cotées ont vu le poids de leurs actionnaires communs augmenter. En d'autres termes, les sociétés d'un même secteur, donc concurrentes, ont de nombreux actionnaires communs. Une étude très souvent citée a montré que dans le secteur du transport aérien, l'augmentation du poids des actionnaires communs a coïncidé avec une hausse des prix de 12%. Explication : les actionnaires communs n'ont pas intérêt à ce que les sociétés dans lesquelles ils sont présents n'ayant pas intérêt à ce que celles-ci se fassent concurrence, la concurrence décroît. CQFD.
La gestion indicielle réduit l'innovation : une étude récente a montré que depuis 2003, les sociétés états-uniennes ont réduit considérablement leurs investissement en recherche et développement. Trois facteurs peuvent expliquer cette réduction, l'un d'entre eux étant la montée en puissance des fonds indiciels.
La gestion indicielle réduit le nombre d'entrées en bourse. Pire encore, le nombre de sociétés cotées diminue aux Etats-Unis.
Je laisse les lecteurs se faire une opinion. Je rappelle simplement que la corrélation statistique entre deux types de données n'implique pas causalité. En d'autres termes, une relation forte entre la hausse de la part de marché de la gestion indicielle et la réduction de la concurrence n'implique pas que le premier phénomène soit responsable du second.
Quelques pistes de réflexion pour des recherches complémentaires. Démontrez que :
La montée en puissance de la gestion indicielle accélère le réchauffement de la planète.
La montée en puissance de la gestion indicielle facilite la montée en puissance du populisme.
La montée en puissance de la gestion indicielle facilite l'accession de la Corée du Nord aux technologies nucléaires.
Vous avez une semaine, je ramasse les copies lundi prochain.
En ce qui me concerne, année après année, je cours de moins en moins vite. J'ai constaté empiriquement une corrélation élevée entre le déclin de mes performances physiques et l'augmentation du poids de la gestion indicielle dans les encours aux Etats-Unis.
Gestion active : de coeur à satellite ?
Eric Balchunas est le spécialiste des ETF chez Bloomberg. Dans un récent papier publié sur Bloomberg View, il conseille aux gérants actifs de cesser de dénigrer la gestion indicielle et leur suggère de se réinventer.
Pas sûr que sa recette plaise à tout le monde.
https://twitter.com/AlphaBetaBlogFR/status/902927644030840832
Balchunas considère en effet que la messe est dite : la gestion indicielle n'est pas pire que le marxisme et ne détruira pas le capitalisme. Les investisseurs ont choisi et les gérants actifs doivent transformer la menace en opportunité pour se réinventer en redevenant vraiment actifs.
Quel rôle pour les fonds actifs dans un monde où la gestion indicielle est la vedette ? Plutôt que de tenir des propos alarmistes, [les gérants actifs] devraient envisager de tenir un nouveau rôle : celui de second rôle.
Balchunas postule que la majeure partie du portefeuilles des investisseurs sera composée de fonds indiciels à bas coûts. Mais que ceux-ci souhaiteront pimenter leur ennuyeux coeur de portefeuille indiciel avec des gestions actives.
Ces dernières pourront ainsi être réellement actives, là où la majorité d'entre elles ne le sont pas aujourd'hui.
Les investisseurs auront une tolérance accrue à la sous-performance, dans la mesure où le poids des fonds actifs dans leur portefeuille sera faible.
Le coût total pour les investisseurs restera supportable tout en permettant de rémunérer les gérants actifs. Les fonds actifs qui veulent conserver une part dominante dans les portefeuilles des investisseurs ne peuvent pas concurrencer Vanguard sur les frais. C'est seulement en acceptant la relégation en périphérie qu'ils réussiront à tarifer leurs services à un niveau adéquat pour eux et pour les investisseurs.
Les gérants actifs pourront ainsi cohabiter avec les fonds indiciels et cesser de les dénigrer avec de mauvais arguments.
Les marchés resteront efficients. Même si les gérants actifs surestiment sans doute leur apport pour le capitalisme, ils jouent un rôle essentiel dans le processus de fixation des cours ("price discovery" dans l'inénarrable jargon financier).
Conclusion de Balchunas :
Les marchés ont besoin de la gestion active, mais peut-être pas autant que les gérants actifs le pensent. Ces derniers auraient tout intérêt à cesser de jouer au jeu des reproches, à reconnaître leur propre responsabilité dans la montée en puissance de la gestion indicielle et à déterminer leur futur rôle.
Gérants actifs, êtes-vous prêts à passer du coeur à la périphérie des portefeuilles ?
J'en doute.
Epargnez plus !
Brendan Mulloly est un conseiller financier détenteur de la certification CFP (Certified Financial Planner) aux Etats-Unis. Il travaille pour Mullooly Asset Management, une société familiale de conseil en gestion de patrimoine ("registered financial advisor") facturant exclusivement des honoraires ("fee only").
Dans un récent post, il utilise une analogie avec une séance de canoé sur la rivière Delaware pour donner quelques conseils aux investisseurs.
https://twitter.com/AlphaBetaBlogFR/status/903214535338713088
Durant leur descente, Mulloly et ses amis ont réalisé que c'était la rivière qui faisait le gros du travail ("the heavy lifting"), plus que les pagayeurs. Ceux-ci peuvent pagayer plus fort, le temps de descente ne sera pas considérablement plus court.
C'est la même chose en matière d'investissement : le taux d'épargne a un impact plus important sur le long terme que la performance des investissements. C'est le taux d'épargne qui fait le gros du travail.
C'est un constat très simple et vrai. Et pourtant, épargner plus n'est pas un conseil que l'on lit souvent.
Le pouvoir de la foi
Larry Swedroe est le directeur de la recherche de The BAM Alliance, un réseau de conseillers financiers aux Etats-Unis. Cet ardent partisan de la gestion indicielle à bas coûts s'est récemment demandé pourquoi, en dépit des preuves multiples et anciennes de la supériorité de l'approche indicielle pour la majorité des investisseurs, nous étions encore si nombreux à croire aux vertus de la gestion active.
Il a récemment publié un ouvrage sur la disparition de l'alpha, rédigé avec Andrew Berkin, que vous pouvez vous procurer ici : The Incredible Shrinking Alpha: And What You Can Do to Escape Its Clutches (English Edition)
https://twitter.com/AlphaBetaBlogFR/status/903546723141693440
Swedroe identifie quatre explications :
Un système éducatif déficient : à moins d'avoir un master en finance, la plupart des épargnants/investisseurs n'ont sans doute jamais pris un cours sur la théorie des marchés financiers. Leur "éducation" est faite par des acteurs - les médias et Wall Street - qui ont un intérêt existentiel à ce que les investisseurs jouent le jeu de la gestion active.
La nature humaine : nous avons du mal à nous éduquer en matière d'investissement, par exemple en lisant les publications académiques ou de praticiens comme John Bogle, ou des blogs ennuyeux comme alphabetablog. Nous préférons croire qu'il existe des spécialistes capables de prédire le futur, de nous protéger de l'incertitude et de battre le marché.
La nature humaine (bis) : individuellement, nous avons beaucoup de mal à nous considérer comme inférieurs à la moyenne. Nous voulons être bien meilleurs que la moyenne. Wall Street joue sur ce trait psychologique en susurrant que la gestion indicielle, c'est bien mais ça délivre des résultats moyens, et que la gestion active permet de faire mieux. Qui veut être moyen ?
La nature humaine (ter) : quand nous sommes confrontés à des arguments prouvant que nous avons tort, nous avons tendance à ne pas changer d'avis, et même à nous braquer. ll nous est très difficile d'admettre nos erreurs.
Emergents : noir ou blanc ?
Illustration très pratique d'une des remarques de Swedroe avec deux exemples récents tirés de Bloomberg. Cette excellente agence de presse couvre l'actualité des marchés financiers 24 heures sur 24. La société vit avant tout de la vente de son terminal aux professionnels de l'investissement.
Elle couvre remarquablement l'actualité de la gestion indicielle, mais consacre - et c'est normal - une partie prépondérante de ses ressources à couvrir l'actualité utile à des professionnels gérant activement.
A deux jours d'intervalle, deux papiers ont présenté des vues diamétralement opposées sur les perspectives des actions des marchés émergents.
Le 28 août, ce titre : Des vétérans de Wall Street, de Dalio à Gundlach, mettent en garde conte les marchés émergents. (Dalio et Gundlach sont deux gérants célèbres et richissimes. Ni l'un ni l'autre ne sont des spécialistes des marchés émergents, mais ils sont tellement renommés que leurs opinions sur les marchés ont valeur d'évangile.)
https://twitter.com/AlphaBetaBlogFR/status/903614674276683776
Deux jours plus tard, ce titre : "Les optimistes voient encore du potentiel au plus long rally haussier sur les émergents depuis 2004". Cette fois, pas de gérants célèbres dans le titre, même si Mark Mobius de Templeton est cité dans l'article.
Le journaliste a interrogé des gérants spécialistes des actions des pays émergents. Tous pensent que la hausse va se poursuivre et chacun fournit des raisons très convaincantes pour étayer son opinion.
Incidemment, j'ai rarement entendu un gérant marchés émergents dire que ce n'était pas le moment d'investir sur les marchés émergents (on pourra remplacer marchés émergents par toute autre sous classe d'actifs).
https://twitter.com/AlphaBetaBlogFR/status/903607125330452480
Bloomberg a fait son travail : le reporter rapporte des propos sans prendre position. Peu importe si ces propos défendent des thèses diamétralement opposées. Au lecteur de se faire une religion.
L'objectif de Bloomberg est de nous faire lire l'article : le titre doit donc être alléchant et les opinions tranchées. Plus nous lisons d'articles, plus Bloomberg pourra vendre de bannières publicitaires.
Idéalement, le lecteur effectuera ensuite des transactions : selon qu'il sera convaincu par l'une ou l'autre des thèses défendues, il achètera ou vendra. S'il est professionnel, il utilisera sans doute son terminal Bloomberg.
Quant à moi, je n'ai rien trouvé d'utile dans ces deux articles. J'ai une exposition significative aux actions des pays émergents dans les différents portefeuilles de mon foyer fiscal et ne cherche plus depuis des années à savoir si c'est le "bon moment" pour acheter ou vendre.
Les neuf vérités de Morgan
Morgan Housel est un excellent commentateur du monde de l'investissement. Longtemps chroniqueur pour Motley Fool, un site de conseils boursiers, il a récemment changé de secteur et a rejoint Collaborative Fund, une société de capital-investissement.
Dans une chronique publiée sur le site du roboadvisor Betterment, il fait la liste de ses neuf vérités en matière d'investissement. J'en ai fait une sélection.
https://twitter.com/AlphaBetaBlogFR/status/903531623072894976
Les investisseurs ont tendance à voir les corrections passées comme des opportunités d'achat et les corrections futures comme un risque.
L'investissement, ça a peu à voir avec les maths et les chiffres, et beaucoup à voir avec la psychologie et la personnalité.
Tout le monde a besoin d'un plan financier, mais la partie la plus importante de ce plan, c'est de savoir ce que l'on fait quand le plan ne se réalise pas comme prévu.
Le remède à la plupart des problèmes financiers est : “épargne plus.”
J'animerai le 14 septembre prochain deux ateliers lors d'une rencontre des Clubs Dates Invest à Lille (détails et inscriptions ici) : l'un sur la démarche ISR des émetteurs d'obligations souveraines, l'autre sur le financement des entreprises de taille intermédiaire.
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Ainsi se termine ma semaine Twitter 35 de 2017. A la semaine prochaine.