La littératie financière, grande cause nationale ?
Un rapport de l'OCDE pour l'AMF plein de bonnes intentions
Il paraît que le niveau de littératie financière des Français laisse à désirer.
Je rappelle que selon l’excellente définition de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada :
La littératie financière est le fait de disposer des connaissances, des compétences et de la confiance en soi nécessaires pour prendre des décisions financières responsables.
Longtemps l’éducation financière a été ignorée par la puissance publique. Probablement parce que ce n’était pas une cause noble pour la Grande nation. Puis la Grande nation s’est réveillée et s’est décidée à allouer des moyens à l’éducation financière du public.
Des moyens peu élevés, consacrés à une stratégie nationale d’éducation économique, budgétaire et financière répondant au joli nom d’EDUCFI, pilotée par la Banque de France depuis 2016.
Les résultats d’EDUCFI sont pour le moment des plus modestes.
Le deuxième acte s’est ouvert en 2021, quand la France, via l’AMF, se décida à demander l’aide de la Commission européenne et de l’OCDE, désignée comme partenaire de mise en œuvre du projet de définition d’une stratégie d’éducation financière pour les nouveaux investisseurs.
La France a fini par s’apercevoir que l’OCDE produisait depuis des années des travaux remarquables sur l’éducation financière, ainsi définie par l’organisation dont le siège est à Paris :
Processus par lequel des consommateurs/investisseurs améliorent leur compréhension des produits, concepts et risques financiers et acquièrent, au moyen d'une information, d'un apprentissage et/ou d'un conseil objectif, les compétences et la confiance nécessaires pour devenir conscients des risques et opportunités en matière financière, faire des choix raisonnés, savoir où trouver de l’aide et prendre d'autres initiatives efficaces pour améliorer leur bien-être financier.
L’OCDE vient de publier un rapport passionnant, “Accompagner la nouvelle génération d’investisseurs en France”, qui propose quatre priorités thématiques.
1. Aider les nouveaux investisseurs à réaliser des investissements en connaissance de cause en les encourageant à s’informer auprès de sources fiables et diversifiées.
2. Améliorer les connaissances financières des nouveaux investisseurs, en particulier concernant les investissements très risqués.
3. Aider les nouveaux investisseurs à aligner leurs investissements avec leur profil de risque.
4. Aider les nouveaux investisseurs à éviter d’être victimes de fraudes et d’arnaques.
Mais pourquoi diable se limiter aux seuls nouveaux investisseurs ? Ces quatre objectifs sont en effet pertinents pour tous les investisseurs, nouveaux comme anciens, autonomes comme accompagnés.
Le rapport de l’OCDE propose que l’AMF soit le chef de file de la stratégie d’éducation financière, qui devra être transversale. Il recommande d’utiliser les canaux numériques pour diffuser des contenus pédagogiques, d’utiliser une approche de conception graphique inspirée des jeux vidéo et d’inclure des éléments ludiques, et d’impliquer les parties prenantes concernées pour qu’elles soutiennent la diffusion de contenus d’éducation financière.
J’attends de voir de quels moyens l’AMF disposera pour mettre en œuvre cette nécessaire stratégie d’éducation financière.
Selon moi, il existe deux éléments indispensables pour éclairer les décisions d’investissement des investisseurs et leur permettre de « faire des choix raisonnés ».
Le premier consiste à marteler cette vérité première : les frais encourus quand on investit dans un produit de placement, qu’ils soient visibles ou invisibles, viennent en déduction de la performance qui revient à l’investisseur.
Le second consiste à rappeler la performance collective des fonds gérés activement par rapport à celle des fonds indiciels : elle est catastrophique, comme le montrent les études SPIVA et Morningstar Active/Passive Barometer.
Mon petit doigt me dit que les résultats de ces études ne seront pas intégrés aux modules d’éducation financière de l’AMF.
Cette chronique, rédigée le 14 octobre 2024, est parue initialement dans le numéro de novembre 2024 de Gestion de Fortune, sans les illustrations, les notes de bas de pages, ni les liens.