Dans le monde d’aujourd’hui (qui sera inéluctablement celui d’hier dans un futur proche), les particuliers s’adressent aux institutions financières établies pour répondre à leurs besoins en matière de placements.
La destination préférée, c’est leur banque. A partir d’un seuil variable, elle pourra leur ouvrir les portes de la banque privée : bureaux dans les beaux quartiers, moquette épaisse, cafés de spécialité, diverses marques d’attention sont prodiguées à cette clientèle choyée, que l’on qualifie de patrimoniale et que l’on affuble d’acronymes sortis du cerveau des consultants (HNWI, UHNWI).
Autre destination, celle des assureurs. Ils sont indispensables pour souscrire à un contrat d’assurance vie, laquelle est le placement préféré des Français avec des encours supérieurs à 2000 milliards de dollars. Mais ils n’ont pas accès aux comptes-courants des clients et les banques ont systématiquement dans leur groupe un assureur vie. On va donc rarement chez son assureur, alors que l’on va encore chez son banquier (que ce soit réellement ou virtuellement).
Troisième destination, celle des conseillers en gestion de patrimoine. Ces derniers, peu nombreux, peuvent offrir une palette de choix bien plus large que celle des banques, ces dernières ne commercialisant souvent que les produits maison (sauf en banque privée, et encore).
C’est donc le monde d’aujourd’hui. C’est un monde dominé par les clients de plus de 50 ans. Ces clients vieilliront et mourront. Une partie de leur patrimoine sera transmise à leurs héritiers.
Ces héritiers sont jeunes. Ils ont des habitudes de consommation des services financiers très différentes de celles de leurs parents et de leurs grands-parents. Ils ne vont plus « à » la banque, ils la transportent dans leur smartphone. Et cette banque est souvent une néo-banque, qui leur fait des offres de services gratuits (en apparence).
Carte de paiement premium gratuite. Pas de frais sur les retraits et les paiements par carte et les virements hors zone euro. Pas de frais de courtage sur les actions et les ETF.
Cette génération utilise également des néo-courtiers, qui n’ont pas le statut de banque.
Les applications de ces nouveaux acteurs sont faciles à utiliser et ergonomiques.
La plupart de ces acteurs offrent des plans d’épargne programmée, souvent sans frais de courtage, permettant d’investir des sommes peu élevées sur un large choix d’ETF diversifiés à bas coûts.
Jusqu’à récemment, ces acteurs se gardaient bien de proposer des enveloppes françaises : on ne pouvait investir que dans le cadre du compte-titres ordinaire, la taille et le potentiel du marché français ne justifiant pas d’investissements spécifiques.
Les temps changent : ces nouveaux acteurs sont de plus en plus nombreux à permettre l’ouverture d’un PEA, voire de souscrire à un contrat d’assurance vie.
Pour le PEA, c’est le cas de Trade Republic (une néo-banque allemande), d’Interactive Brokers (un courtier en ligne étatsunien), de Saxo Bank (récemment rachetée par la banque J. Safra Sarasin) et de Shares. Revolut, une néo-banque lituanienne, a annoncé le lancement de son PEA en France pour début 2026.
eToro, un courtier en ligne israélien, vient même de lancer un contrat d’assurance vie.
La gestion financière va devenir une commodité : en trois clics l’utilisateur pourra investir sur des portefeuilles-modèles ou dans un mix de produits choisis par lui, avec une transparence élevée en matière de coûts et frais. En actifs cotés comme en actifs non cotés. Le tout depuis son smartphone.
Le monde d’aujourd’hui est un monde de frictions et de délais, un monde qui se numérise lentement, un monde de produits chers et de rétrocessions. C’est un monde qui a fait le choix faustien de ne jamais envoyer de facture aux clients pour le conseil en investissement financier.
Le monde de demain tient dans le smartphone des futurs héritiers.
Comme le disait, en arrivant au 20ème étage, l’individu qui chutait du toit d’un gratte-ciel : « Jusqu’ici, tout va bien. »
Cette chronique, rédigée le 11 juin 2025, est parue initialement dans le numéro de juillet 2025 de Gestion de Fortune, sans les illustrations, les notes de bas de pages, ni les liens.