Il faut qu'on parle des ETF
L'ETF, c'est l'éléphant dans le salon de l'écosystème rétrocommissionné

2024 a été une nouvelle année de forte croissance pour les encours des fonds indiciels en général et des ETF indiciels en particulier, et ce dans toutes les régions du monde.
2024 a aussi été une nouvelle annus horribilis pour les fonds actions gérés activement, qui ont enregistré une décollecte mondiale record de 450 milliards de dollars selon EPFR.
En Europe, si les particuliers étaient à la traîne des investisseurs institutionnels pour l’utilisation des fonds indiciels, c’est en train de changer : 2024 pourrait bien avoir été l’année de la bascule des particuliers vers l’indiciel.
Selon Morningstar, la part des fonds indiciels dans les encours des fonds de long terme est passée en Europe de 13,8% à fin novembre 2015 à 29,7% à fin novembre 2024.
Pour les fonds actions, la catégorie la plus importante en encours, la part des fonds indiciels dans les encours était de 41% à fin novembre.
La grande migration des fonds gérés activement vers les fonds indiciels concerne des montants colossaux : 60,7 milliards d’euros de décollecte en 2024 à fin novembre pour les fonds actions gérés activement contre 214 milliards d’euros de collecte pour les fonds actions indiciels.
C’est beaucoup d’argent en moins dans le chiffre d’affaires des sociétés de gestion et surtout beaucoup de frais de gestion en moins à rétrocéder puisque les ETF indiciels ne versent pas de rétrocessions aux vendeurs.
Le véhicule préféré pour s’exposer à des stratégies indicielles est l’ETF. Selon ETFbook, la collecte des ETF en Europe a atteint le montant record de 251,46 milliards d’euros en 2024, dont 78,6% pour les ETF actions et 24,2% pour les ETF obligataires.
Les encours à fin 2024 étaient de 2208 milliards d’euros dont 71,2% pour les ETF actions et 22,2% pour les ETF obligataires.
Mais, me direz-vous à juste titre, parler d’ETF dans Gestion de Fortune, c’est un peu comme parler de corde dans la maison d’un pendu, non ?
Oui, mais l’ETF, c’est l’éléphant dans le salon de l’écosystème rétrocommissionné de la vente de produits de placement gérés activement : un jour, il va falloir en parler, car les enfants de vos clients ne vous ont pas attendus pour les découvrir.
Si l’on en croit une étude passionnante de l’AMF (“Activité des investisseurs particuliers sur les ETF”) parue en novembre 2024, il n’y a jamais eu autant de particuliers investissant en ETF en France : leur nombre a été multiplié par 4 entre le deuxième trimestre 2019 (88 000) et le deuxième trimestre 2024 (266 000).
Ce sont les nouveaux investisseurs âgés de moins de 35 ans qui ont très largement favorisé cette progression : alors qu’en 2019 les moins de 35 ans représentaient 9% des investisseurs français du périmètre de l’étude, ils atteignent 30% en 2024.
L’investisseur jeune qui n’a pas beaucoup d’argent aujourd’hui et l’investit tout seul en ETF, c’est l’investisseur plus âgé de demain, qui aura beaucoup plus d’argent à investir.
Le fera-t-il en recourant aux services de la banque ou du « conseiller » financier de ses parents ? J’en doute, d’autant plus que ce jeune investisseur a fait ses propres recherches avant de découvrir les ETF, et qu’il n’a pas manqué d’apprendre que les fonds gérés activement sont collectivement battus à plate couture par les fonds indiciels.
Evidemment, leurs parents « conseillés » par les réseaux de distribution investissent toujours dans des fonds traditionnels gérés activement, dans des SCPI et dans des fonds structurés.
Evidemment, ces mêmes réseaux vont leur vanter les mérites irrésistibles des actifs non cotés (capital-investissement, dette privée, infrastructures), alors que leur pseudo-démocratisation sous la forme de fonds evergreen les prive de leur principal avantage (la prime d’illiquidité).
Les réseaux de distribution vont devoir s’emparer de ces instruments remarquables que sont les ETF à bas coûts et trouver le moyen d’en vivre. Ce qui sera possible à condition d’oser séparer la facturation de deux prestations : la gestion et le “conseil”.
Cette chronique, rédigée le 14 janvier 2025, est parue initialement dans le numéro de février 2025 de Gestion de Fortune, sans les illustrations, les notes de bas de pages, ni les liens
Les ETF ont changé le paysage financier. Ils sont attirants en raison de leurs coûts bas et transparence élevée, mais leur performance passée ne garantit pas les résultats futurs. Il est important pour les acteurs du secteur d'adapter à ces nouvelles tendances tout en offrant une variété de solutions adaptées aux besoins individuels des investisseurs. La clarté et la transparence seront les clés du succès dans ce nouveau paysage.
Complètement d’accord avec ce constat !