Gestion active : à la chasse aux idées reçues
Flaubert a rédigé à partir de 1850 un dictionnaire des idées reçues. Resté inachevé, il n'a été publié qu'en 1913, longtemps après la mort de son auteur.
Voici une des entrées de ce dictionnaire, choisie (pas vraiment) au hasard :
BOURSIERS. Tous voleurs.
Comme quoi certaines réputations remontent à la plus haute antiquité et ont la vie dure.
Vanguard s'est intéressé dans un post récent à une des idées reçues en matière de gestion active, selon laquelle les gérants actifs obtiendraient de meilleurs résultats sur les marchés moins efficients que sur les marchés plus efficients.
Sont présumés moins efficients les marchés moins liquides et/ou moins bien couverts par les analystes financiers et/ou ceux dont les standards de communication financière sont moins avancés.
Chris Tidmore, un stratégiste de marché, a cherché à vérifier cette idée reçue en s'intéressant à deux catégories de fonds en théorie moins efficientes :
Les actions Etats-Unis petites capitalisations
Les actions des pays émergents
https://twitter.com/AlphaBetaBlogFR/status/847422224822816768
Si les gérants actifs ont vraiment de meilleures performances dans ces catégories présumées moins efficientes, Tidmore s'attend à y trouver des fonds qui surperforment durablement.
Pour tester cette hypothèse, il s'est intéressé au comportement des fonds actifs classés dans le premier quintile de leur catégorie sur 5 ans (du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2011), que j'appelle ci-dessous "vainqueurs" et a regardé comment ils se répartissaient 5 années après (par quintile de performance 5 ans entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2016).
Caramba, encore raté !
Pour les fonds Etats-Unis petites capitalisations, seuls 12% des vainqueurs de la première période restent dans le premier quintile de performance à la fin de la deuxième période ; 7% se classent dans le deuxième quintile ; 25% dans le troisième quintile ; 17% dans le quatrième ; 30% (la plus forte proportion) dans le cinquième et dernier quartile. 10% ont soit été liquidés, soit fusionnés avec un autre fonds.
En bon français, il n'y a qu'une très faible persistance en matière de performance.
Source : Vanguard
Pour les fonds actions pays émergents, seuls 6% des vainqueurs de la première période restent dans le premier quintile de performance à la fin de la deuxième période ; 6% descendent dans le deuxième quintile ; 18% dans le troisième quintile ; 24% dans le quatrième ; 24% dans le cinquième et dernier quartile. 24% ont soit été liquidés, soit fusionnés avec un autre fonds.
Source : Vanguard
Comparons maintenant ces deux catégories présumées moins efficientes à la totalité des fonds actions Etats-Unis gérés activement (comportant les fonds grandes capitalisations, intervenant sur le marché présumé le plus efficient au monde).
Si l'idée reçue est exacte, les résultats de cette nouvelle catégorie devraient être moins bons (ou plus précisément plus mauvais).
Caramba, encore raté (bis) !
Source : Vanguard
Ces résultats sont un peu moins mauvais, puisque 16% des vainqueurs de la période 1 restent dans le premier quintile en période 2 ; 12% descendent dans le deuxième quartile ; 12% dans le troisième, 15% dans le quatrième et 21% dans le cinquième et dernier. 25% des gagnants étant liquidés ou fusionnés avec un autre fonds.
Tidmore rappelle que les idées reçues ne peuvent rien contre l'implacable arithmétique du jeu à somme nulle que sont les marchés actions, et que la surperformance régulière requière 3 ingrédients:
du talent
des frais faibles
de la patience
Ces résultats corroborent ceux d'une étude de S&P DJ Indexes à laquelle j'ai consacré un récent post.
La seule idée reçue qui vaille (car elle est exacte) est celle-ci, que nous lisons tous (et ignorons presque tous) dans les prospectus et rapports des fonds :
Les performances passées ne préjugent pas des performances futures, ne sont pas constantes dans le temps et ne constituent en aucun cas une garantie future de performance ou de capital.
Mais c'est vrai qu'elle ne fait pas rêver.