Le fonds en euros est mort, vive le fonds en euros
L’euthanasie des fonds en euros se poursuit : Spirica a ainsi annoncé la fin des souscriptions sur le fonds Euro Allocation Long Terme2 pour le 15 septembre.
Par quoi les réseaux de distribution vont-ils donc pouvoir remplacer ce produit, pierre angulaire de l’épargne des Français.es depuis plus de 40 ans ? Cette citadelle qui pèse près de 1400 milliards d’euros suscite depuis des années les convoitises des sociétés de gestion.
Le cahier des charges pour rivaliser avec le fonds en euros est très exigeant : régularité des performances, ampleur limitée des baisses, facilité à expliquer le produit. Et frais élevés pour pouvoir rémunérer les distributeurs.
Examinons les différents prétendants à la succession.
Commençons par la gestion flexible. Elle a eu son heure de gloire pendant quelques années, à partir l’annus horribilis 2008. Rappelez-vous : Carmignac Patrimoine, dans un océan de rouge, sort une performance de… +0,01%.
Et toute la profession de se ruer sur la gestion flexible, en s’appuyant le narratif suivant : « échaudés par l’éclatement de la bulle internet, les clients ne veulent plus de directionnel ni de volatilité. La réponse, c’est la flexibilité. Une partie de la hausse, et pas toute la baisse. »
Le problème avec une approche discrétionnaire, c’est qu’il y a des années avec et des années sans. Que certains fonds flexibles ont connu des baisses importantes. Il faut donc diversifier entre différents gérants, au risque d’avoir une performance très proche de celle d’un indice composite 50% actions et 50% obligations. Alors que les valorisations des marchés actions sont plutôt élevées et que le rendement des obligations est très faible.
Poursuivons par la pierre-papier, incarnée par les SCPI : facile à expliquer, facile à comprendre, elle joue sur l’attachement atavique des Français à l’immobilier. Distribution et revalorisation annuelles. Et c’est très, très chargé en frais. A l’entrée. Pendant la durée de détention. Et quand on en sort, car il faut bien en sortir un jour, nouvelle ponction sur le prix de rachat.
Je parie sur la poursuite du succès de ce type de véhicule, sauf si la facture du Covid-19 a un impact très négatif sur la prochaine revalorisation du prix des parts. Réponse dans quelques mois.
Dernier venu, par la grâce de la loi Pacte : le non coté. Capital-investissement, dette privée. Le narratif est irrésistible : des performances passées remarquables, avec une volatilité inférieure à celle des marchés publics pour le capital-investissement ; des rendements attractifs pour la dette privée.
En plus, les épargnants français vont pouvoir participer à cette grande cause nationale, le financement de la célèbre « économie réelle ».
Tel un bonimenteur sur un marché, un des premiers acteurs à avoir lancé une offre de private equity en assurance-vie vante « une sélection d’investissements premium généralement réservés aux investisseurs institutionnels. »
Le private equity coche toutes les cases pour un réseau de distribution : facile à expliquer et à comprendre. En plus, la durée de vie idéale d’un fonds est longue, très longue. Et les frais sont élevés, très élevés.
Sauf que le narratif est trop beau pour être honnête, comme je l’avais montré dans ma chronique de janvier, « On se lève tous pour le private equity. » La surperformance du private equity a disparu à partir de 2008, la probabilité pour un investisseur privé d’accéder aux meilleures expertises est proche de zéro, et le risque de tomber sur un fonds sous-performant est élevé.
Je parie néanmoins que le private equity va faire une entrée tonitruante dans l’écurie des nombreux prétendants à la succession du roi fonds en euros.
Sinon, j’ai bien une solution simple et bon marché (moins de 0,2% de frais de gestion annuels) : 2 ETF, l’un pour s’exposer à la totalité du marché des actions cotées, l’autre à la totalité du marché des obligations.
Je ne sais pas pourquoi, mais je doute qu’elle ait du succès à court terme.
Illustration : Louis XIV (1701) par Hyacinthe Rigaud (1659-1743) - Musée du Louvre
Cette chronique est parue initialement dans le numéro de septembre 2020 de Gestion de Fortune, sans l'illustration ni les liens.