Bye bye 2021
N’ayant aucune compétence en matière de prévisions ni aucune appétence pour la prédiction, je vais me contenter de regarder dans le rétroviseur.
Que retenir de 2021 ? 4 grands thèmes et un sujet fort embarrassant soigneusement mis sous le tapis.
A l’ESG tu te convertiras
Larry Fink, le patron de BlackRock, l’avait bien dit en 2020 : puisque le risque climatique est un risque d’investissement, le premier gérant d’actifs au monde va placer la durabilité au cœur de son processus d’investissement.
Sauvons la planète avec des portefeuilles toujours plus ESG ! Réduisons les inégalités ! Protégeons la biodiversité !
Si tu n’es pas SFDR 8 ou SFDR 9, tu vas avoir du mal à collecter ! Label ISR ! Label Greenfin ! Label Luxflag !
Quant à l’impact d’un fonds ESG dans la vraie vie, il est à peu près nul. Peu importe, l’essentiel est de mettre son portefeuille en accord avec ses valeurs, et puis ça permet de vendre.
Aux thématiques tu t’exposeras
Deuxième planche de salut pour la gestion active, les thématiques. Forcément d’avenir, forcément disruptives, elles ont la force de l’évidence : puisque c’est l’avenir, ça va monter !
Peu importe que Morningstar ait montré l’historique de performance très médiocre des fonds thématiques, puisqu’on vous dit que c’est l’avenir !
Energies renouvelables ! Smart cities ! Biotech ! Espace ! Métavers ! Blockchain !
Les fondamentaux tu ignoreras
2021 a vu le triomphe de ce que j’appelle la finance -2.0, incarnée par les meme stocks, les cryptos, les SPAC et les NFT.
Le cash flow, c’est dépassé. La valorisation, c’est un truc de baby boomers. L’avenir est aux réseaux sociaux, au groupe r/WallStreetBets plutôt qu’à la certification CFA.
Les meme stocks, ce sont ces actions aux fondamentaux mauvais dont s’entichent des groupes qui en font monter la valeur. GameStop et AMC en furent deux exemples fameux, Robinhood, pionnier de la « gratuité » du courtage aux Etats-Unis en est le grand facilitateur.
Pour les crypto, les NFT ou les SPAC c’est encore pire, il n’y a pas de fondamentaux.
Au non coté tu succomberas
Le quatrième thème est pour le moment en voie d’émergence, mais je parie que ce sera le grand sujet commercial de 2022 : les actifs privés, et notamment les fonds de private equity, ayant délivré des performances passées supérieures à celles des marchés publics, avec moins de volatilité[efn_note]En réalité, les fonds de private equity ont une faible volatilité par construction, puisqu'ils ont des valeurs estimatives peu fréquentes. Dans la mesure où ils investissent dans des actions de sociétés, ils ont exactement la même volatilité que les fonds investissant dans des actions cotées, mais cette volatilité est masquée.[/efn_note], sont l’avenir de la distribution de produits financiers.
Ca tombe bien, ils deviennent plus accessibles en France. Flatteur historique de performance, immobilisation longue des capitaux, le rêve pour des distributeurs rémunérés par des rétrocessions.
H2 quoi ?
Quant au sujet embarrassant soigneusement mis sous le tapis par un écosystème de la distribution qui a complètement failli, c’est bien entendu celui de H2O AM.
Cela fait plus de 14 mois que sont séquestrés dans 7 side pockets plus de 1,6 milliard d’euros sur la base des valorisations d’octobre 2020, sans qu’aucune information sérieuse ait été fournie par la société de gestion.
Les assureurs ayant référencé les fonds de H2O AM du temps de leurs splendides performances passées n’ont apparemment pris aucune mesure après la publication en juin 2019 de l’article du Financial Times dévoilant la présence de titres illiquides émis par des sociétés contrôlées par Tennor, la holding de Lars Windhorst. Depuis la création des side pockets en octobre 2020, silence radio.
Quant aux conseillers financiers qui adulèrent H2O, c’est à se demander s’ils en ont jamais entendu parler.
J’espère que les deux régulateurs concernés, la FCA au Royaume-Uni et l’AMF en France, auront des informations à partager en 2022.
ETF über alles
Je ne peux pas conclure sans mentionner les ETF, triomphateurs planétaires en 2021 avec une collecte nette supérieure à 1000 milliards de dollars.
Heureusement, les conseillers en investissements financiers français, qui étaient à fin 2020 7% à être indépendants au sens de MIF2 (contre 6% en 2019), font héroïquement barrière de leur corps pour contenir l’envahisseur.
Bonne année 2022 quand même !
Cette chronique est parue initialement dans le numéro de janvier 2022 de Gestion de Fortune, sans les illustrations, les notes de bas de pages, ni les liens.
Illustration : twitter/@elonmusk